Avec Tom Strong (Tome 5 de Terra Obscura), Alan Moore — ou, plus précisément, son influence narrative — s’offre un terrain de jeu rétro‑héroïque où les archétypes pulp rencontrent les questionnements modernes : les super‑héros de la planète jumelle Terra Obscura doivent se repositionner dans un monde qui a changé pendant leur absence. On y retrouve l’idée de l’héritage, du vieillissement des icônes et de la fracture entre passé et présent : des thèmes forts que Moore pose déjà dans la trame. Toutefois, c’est le scénariste Peter Hogan (souvent cité dans les retours critiques) qui en orchestre la majeure partie du script, ce qui se ressent dans la tonalité — moins radicale et plus « classique » qu’on pourrait attendre d’un Moore “pur”.
Graphiquement, Yanick Paquette signe un travail solide : ses compositions rappellent les super‑héros d’antan tout en offrant une touche de modernité, et son trait sert bien cette ambition de « héros de la science » revisitée. Les planches sont expressives, les personnages nombreux mais distincts, et l’on sent la volonté de donner de l’épaisseur à un univers foisonnant. Cependant, c’est justement cette richesse de personnages et de scénarios qui apparaît comme un frein : la quantité dilue parfois la tension narrative, et l’ensemble manque de ce “grain de folie” que l’on associe volontiers à Moore — une impression que le récit reste divertissant plutôt que véritablement transcendant.
Malgré ces limites, ce volume remplit son rôle : divertissement fun, hommage assumé aux comics d’âge d’argent, tout en abordant des sujets sérieux (adaptation sociale des héros, surveillance technologique, résurgence historique). Mais on reste sur l’impression d’un récit “bien fait” plutôt qu’une œuvre qui marque profondément.
Résumé
Un volume énergique, plein d’idées et d’hommages, mais qui ne parvient pas à stimuler pleinement la dimension mythique promise.
🔧 Les héros reviennent, le décor change — mais l’étincelle reste à allumer.