Shonen energy, muscles saillants et jeux d'esprits

Le cas de Jojo's Bizarre Adventure est très complexe à aborder dans sa globalité: en effet, critiquer Jojo's Bizarre Adventure reviendrait davantage en réalité à critiquer son auteur, Hirohiko Araki. Jojo est avant tout l'œuvre de sa vie, qu'il travaille depuis plus de bientôt 35 ans, et en 35 ans, on aura vécu beaucoup d'aventures aux côtés de la famille Joestar. Cependant, chaque arc consacré à la vie d'un membre différent de la famille Joestar se base sur un tout nouveau type de récit, qui s'inspire à chaque fois d'un grand style cinématographique. Par conséquent, Jojo, c'est tout autant de l'épouvante, que de l'aventure, du road trip, du policier, du mafieux, du film de prison, du far west ou du thriller fantastique. Chaque arc est donc à traiter séparément selon moi comme des œuvres différentes, tant le style d'écriture et de dessin à évolué avec le temps. Ces arcs se suivent tous, et je vous conseillerais plus de les lire dans l'ordre, mais pour certains arcs, leur lien avec les précédents n'est que minime, notamment pour les parties 5 et 7 par exemple. Les seuls points communs entre tous ces arcs dans le fond sont la famille Joestar, et la patte artistique et narrative d'Araki, qui si elle n'a plus rien à voir avec ce qui se faisait à ses débuts, continue à se baser sur une même structure, de mêmes racines.


Il sera difficile pour moi de parler objectivement de ce manga, tant sur le long terme, sa narration, son style, et sa mise en scène m'auront influencé pour les années à venir. Cependant, je me dois de reconnaître que même si je lui mets 10, Jojo, comme toute œuvre, est imparfait. Je préfère vous épargner une critique successive de chacun des arcs de Jojo, donc résumons cela rapidement:


Phantom Blood: 7/10; des débuts convaincants, mais trop clichés et ayant mal vieilli, sans compter une technicité artistique un peu à la ramasse.


Battle Tendency: 9/10; clairement plus divertissant que son aîné, et une mise en scène plus puissante, mais en dépit de personnages assez oubliables à l'exception du duo Joseph et Caesar.


Stardust Crusaders: 9/10; la partie la plus Jojo de toutes les parties de Jojo, des personnages très attachants, cependant la structure narrative est vraiment beaucoup trop répétitive.


Diamond is Unbreakable: 8/10; une histoire qui met du temps à se mettre en place, et peu de développement pour les personnages, mais une fois arrivé à la seconde moitié de l'histoire, l'histoire devient beaucoup plus prenante, sans compter l'arrivée du meilleur méchant de la saga (change my mind)


Golden Wind: 10/10;un presque sans-faute mélangeant la structure narrative de Stardust Crusaders de manière bien plus rythmée, et la tension dramatique de la seconde moitié de Diamond is Unbreakable. Ca en devient donc un arc savoureux aux combats jojoesques d'anthologie et à la mise en scène excellente. Jojo a avec cet arc enfin trouvé la formule parfaite.


Stone Ocean: 8/10; Un arc qui n'aurait globalement rien à envier à Golden Wind, cependant, il souffre de pas mal de faiblesses dans les combats sans compter certains Stands très difficiles à comprendre de base, et un cadrage parfois peu lisible. Les personnages également ont peu d'alchimie par rapport à ceux des parties 3 ou 5, et mis à part Jolyne, on aura du mal à s'attacher à eux.


Steel Ball Run: 10/10; une odyssée extrêmement prenante avec l'incroyable duo Johnny et Gyro, qui parvient à faire d'une course hippique un enjeu plein de tensions entre d'innombrables personnages secondaires tous plus variés les uns que les autres. L'évolution de Johnny et le scénario beaucoup plus poussé qu'auparavant sont les gros points forts de cet arc, et il s'agit sans doute de mon arc préféré de Jojo à l'heure actuelle.


Jojolion (en cours à l'heure où j'écris): 10/10; Un arc qui arrive à sa conclusion, mais qui a déjà globalement fait ses preuves sur plus de 10 ans. Cet arc est beaucoup moins concentré sur les combats qui en sont presque anecdotiques, en revanche, Araki a cette fois fait le choix d'un scénario vaste, remplie de foreshadowings, de mystères et de rebondissements, où la tension parcourt chaque chapitre. Cela fonctionne à merveille, et plus l'histoire avance, plus l'on se prend d'empathie pour les personnages de cet arc tous tordus et cachant de lourds secrets, mais profondément humains. Reste à savoir maintenant si cet antagoniste final introduit il y a une petite vingtaine de chapitres saura se révéler à la hauteur du reste de l'arc.


Vous l'auriez sans doute remarqué, Jojo est une œuvre qui m'a touché et marqué, c'est un manga qui j'en suis conscient est bourré de défauts sur ses maintenant plus de 125 tomes, mais Jojo reste un classique au même titre que Dragon Ball, Hokuto no Ken ou Saint Seiya, qui se doit d'être lu (ou vue, l'anime est très bien aussi) au moins une fois dans la vie de toute personne qui aime les mangas. Et même au-delà d'Hokuto no Ken par exemple, qui a, en dépit de toutes ses qualités, mal vieilli, il faut le reconnaître, Jojo est une œuvre intemporelle, puisqu'elle a à la fois influencé tout un tas de futurs mangas, comme Hunter X Hunter ou Yu-Gi Oh!, ou même d'autres médias comme les jeux vidéo Persona, Castlevania, ou même Street Fighter dont certains personnages s'inspirent de ceux de Jojo, et elle reste toujours agréable à voir avec l'œil d'aujourd'hui, tant ce manga est bizarre et particulier (sauf la partie 1). En outre, il est si varié dans ses inspirations que je pourrais typiquement le recommander à n'importe qui, sauf si vous n'aimez pas le style général d'Araki ou si vous ne voulez juste pas lire 125 tomes.


Il puise d'ailleurs ses inspirations de tous les domaines, qu'il s'agisse de mode, de cinéma, de manga bien sûr, ou de musique, que ce soit du bon vieux rock et de la pop de l'époque des années 70-80-90 pour les premiers arcs, ou de la pop et du rap des années 90-2000 pour les dernières parties, Araki emmagasinant des connaissances en musique et en mode juste colossales. Donc, qu'on adhère ou non à son style, toujours est-il qu'Araki est uns de ces auteurs au style extrêmement reconnaissable, tant et si bien qu'il suffira d'une onomatopée ou de certains traits détaillés et carrés sur le visage pour immédiatement reconnaître qu'il s'agit de Jojo. C'est un manga unique au monde, et c'est ce qui fera sa force pour les fans, et peut-être là sa principale faiblesse pour les autres.


En dehors des deux dernières parties, ne vous attendez pas forcément à des scénarios particulièrement brillants, ni à des personnages aussi nuancés et développés que ceux d'Isayama, on en est loin. Cependant, Jojo n'a pas nécessairement besoin d'une narration tarabiscotée ou de personnages finement élaborés pour fonctionner: il le fait simplement, mais efficacement, et on n'arrive que peu de fois à totalement décrocher de l'histoire.


La force de Jojo réside également dans sa capacité à transcender et à briser les règles du shonen de son époque. Je ne spoilerai pas, mais rien que la fin de la partie 1 en elle-même était dingue pour son époque, dans le contexte du Shonen Jump de 1986, et la fin de la partie 6 est également une des fins les plus belles et en même temps les plus couillues qu'il m'était donné de voir dans un manga. Et cela parmi tout un tas d'autres paramètres: Araki n'a jamais eu peur de tuer uns de ses personnages principaux, n'importe où, n'importe quand, même avant la seconde moitié d'une partie, ce qui est accentué par la violence et les giclées de sang inhumaines, ce qui fait que la tension est constamment à son comble durant un combat. La stratégie est d'ailleurs le moteur principal de la tension dans Jojo's Bizarre Adventure: tous les éléments les plus mineurs et insignifiants seront exploités pour sauver in extremis un personnage qui était alors au bord du gouffre, ce qui inspirera par la suite tous ces mangas misant sur le plot twist en combat de manière presque abusive. Ils évolueront dans les arcs plus récents sur des combats toujours remplis de plot twists, mais en se basant sur la science et les mathématiques, tant et si bien que c'est à se demander si tous les personnages de Steel Ball Run ont fait Harvard. Les Stands eux-mêmes auront été une véritable révolution dans l'univers des mangas, et c'est eux qui introduiront par la suite le concept de pouvoirs uniques à chaque personnage, et plus ou moins puissants en fonction de leur utilisation plus que de leur pouvoir, à l'instar plus tard des fruits du démon dans One Piece ou des alters dans My Hero Academia.


Mais je dois bien reconnaître que Jojo n'est pas sans faiblesses dans sa globalité: déjà, son style narratif et artistique peuvent dérouter, dégoûter, déplaire et c'est compréhensible. Pour moi, il s'agissait surtout d'une question d'habitude, mais si vous n'adhérez pas au style Jojo, alors vous n'aimerez pas Jojo. Ensuite, force est de constater que même aujourd'hui étant un manga seinen, il est stéréotypé au possible, donc attendez-vous à vous manger de la shonen energy en veux tu en voilà. Encore une fois, on aime ou on aime pas, mais vous êtes prévenus.


En définitive, Jojo est un chef-d'œuvre du manga, un immanquable pour tout fan de shonen. Un manga intemporel, unique en son genre, et novateur. Le travail d'Araki pour maintenir une telle qualité durant 35 ans, qui est même croissante au fil du temps, est admirable, et je souhaite encore une longue vie à Jojo's Bizarre Adventure. On pourrait débattre longtemps de ce qui va, et de ce qui ne va pas, et après tout, chacun a ses raisons, mais dans sa globalité, Jojo est excellent, et pourrait plaire à chacun d'entre vous si vous avez le courage de vous plonger dans une œuvre aussi colossale, mais ne remontez pas trop vite hors de l'univers de Jojo: c'est une œuvre qui s'apprécie sur la durée, il faut savoir passer outre les premiers arcs et leurs imperfections pour pleinement savourer ce qui s'ensuit.

Créée

le 22 févr. 2021

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