Kasane avait tout pour me plaire... Un duel psychologique tendu, un concept original et une plongée dans un monde où l’apparence est une question de survie. Et dans l’ensemble, ça fonctionne vraiment bien… mais avec quelques longueurs qui finissent par alourdir un récit pourtant captivant.
Dès le départ, Kasane pose une question qui frappe juste. Comment survivre dans un monde qui ne laisse aucune place à ceux qu’il juge laids ? La protagoniste, marquée dès la naissance par un visage disgracieux, hérite d’un rouge à lèvres magique capable d’échanger son apparence avec celle d’une autre personne. Ce pouvoir, qui pourrait être une bénédiction, devient très vite un fardeau et une spirale infernale, la forçant à naviguer entre mensonges, ambitions et trahisons.
Là où le manga brille, c’est dans sa manière de traiter le culte de la beauté, notamment dans le monde du théâtre. C’est un univers où l’apparence est tout, où le talent ne suffit pas toujours, et où l’héritage, qu’il soit génétique ou artistique, pèse comme une malédiction. Kasane ne cherche pas simplement à être belle, elle veut exister, s’imposer dans un monde qui l’a rejetée d’emblée. Et cette lutte, profondément humaine, rend le récit aussi cruel que fascinant.
Les jeux de manipulation et les relations toxiques sont au cœur de l’histoire. On assiste à une valse d’alliances et de trahisons où chaque personnage porte un masque, au sens propre comme au figuré. Et si certains moments rappellent d’autres récits de duels psychologiques bien connu du manga, Kasane parvient à imposer sa propre identité en ancrant son conflit dans une quête d’identité bouleversante.
Mais le problème, c’est le rythme. L’introduction est longue, ce qui peut freiner l’adhésion au récit. Et paradoxalement, une fois bien lancé, le manga s’étire parfois trop, répétant certains schémas au lieu d’aller droit au but. On ressent une volonté d’en faire une fresque dense et dramatique, mais quelques arcs auraient gagné à être resserrés pour éviter cette impression de redite.
Visuellement, c’est une vraie réussite. Le trait de Daruma Matsuura est expressif, parfois brut, toujours percutant. Les visages sont magnifiques quand ils doivent l’être, déformés par l’angoisse quand l’histoire l’exige, et cette dualité entre grâce et horreur sert parfaitement le propos du manga.
Je pense qu'on peut quand même lui reprocher de ne pas bien maitriser la laideur, car les dessins se ressemblent beaucoup trop lorsqu'il s'agit d'en faire étalage!
Au final, Kasane est une œuvre forte, qui touche juste dans son exploration de l’identité et du poids de l’héritage. Son concept est brillant, ses thèmes sont traités avec une vraie sensibilité, mais son rythme en dents de scie l’empêche d’être totalement maîtrisé. Reste un duel fascinant, une plongée dérangeante dans un monde impitoyable, et un manga qui, malgré ses longueurs, laisse une vraie empreinte.