L'Alph-art de Rodier
6.2
L'Alph-art de Rodier

BD franco-belge de Yves rodier (1991)

En 1983, une leucémie emporte le créateur de Tintin l'empêchant, hélas, de terminer son dernier album Tintin et l'Alph-Art.

Bien que non-terminé, la famille d'Hergé décide de vendre l'album dans l'état où il est toujours actuellement: inachevé.

Après cette sortie, de nombreux auteurs ont tenté d'achever Tintin et l'Alph-Art en espérant satisfaire les lecteurs d'Hergé et les tintinophiles déçus par le dernier album achevé d'Hergé Tintin et les Picaros jugé comme étant loin d'être la meilleure aventure de Tintin.

Le plus célèbre d'entre eux est, sans aucun doute, Yves Rodier.

Sa version commence par la préface suivante

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En effet, Rodier se considère comme n'étant rien d'autre qu'un tintinophile de plus et ayant voulu se faire plaisir et faire plaisir aux autres Tintinophiles/Tintinologues avec sa version comme n'étant qu'un final "à la façon d'un auteur de plus".

Et pourtant, contrairement à d'autres versions achevées de Tintin et l'Alph-Art par d'autres auteurs dont la qualité est, parfois, plus que discutable, la version de Rodier est la plus "réalistiquement" proche de l'univers du célèbre reporter belge.

Mais avant d'en parler en détails, parlons de l'histoire

Alors que le Capitaine Haddock tente d'échapper à la Castafiore étant de passage à Moulinsart, il finit par être rattrapé par elle dans la galerie d'art d'Etienne Foucart où sont vendues les oeuvres de Ramon Nash, un artiste inventeur de l'Alph-Art: art basé sur les lettres de l'alphabet. Un peu contraint, Haddock achète une œuvre de Ramon Nash: un H en plexiglas.

Alors que Foucart souhaiterait faire "d'importantes révélations" à Tintin, le propriétaire de la galerie est assassiné. Tintin décide de mener l'enquête, enquête le menant à la secte d'Endaddine Akass.

Dès la première page de l'histoire, les images sont impressionnantes. En effet, Yves Rodier ayant tout fait pour être proche du style d'Hergé, les dessins ressemblent traits pour traits à ce que sont les albums officiels du célèbre reporter belge. Ainsi, nous ne sommes pas dépaysés face au fait que cet album n'a pas été écrit, ni dessiné par le créateur de Tintin.

Et ce n'est pas tout. Les couleurs sont magnifiques dignes de celles d'un tableau qui aurait bien eu sa place dans une 'Exposition Hergé' si cette version de Tintin et l'Alph-Art était officielle.

Quant à l'histoire, cette dernière est une enquête bien plus travaillée que celle de L'Oreille Cassée (qui était déjà de grande qualité) en étant digne de celle d'un roman policier où les suspects sont interrogés, où des indices sont laissés ci et là et, également, où les poursuites dynamiques sont angoissantes sans compter non pas une mais plusieurs histoires à résoudre.

Plusieurs meurtres ou encore un trafic d'art.

De plus, l'oeuvre originale d'Hergé n'ayant jamais pu être achevée, Rodier s'arrange pour recoller les morceaux, trouver une conclusion potentielle avec les indices laissés par le défunt auteur durant tout l'album.

Et bien que l'on ne saura jamais quelle conclusion Hergé avait en tête, Rodier en a proposé une digne de l'univers de Tintin puisque, dans sa version, le coupable se révèle être nul autre que Rastapopoulous, ennemi fétiche du reporter durant de nombreuses aventures des albums.

Et même si la conclusion/fin de Rodier traîne un peu en longueur, celle-ci n'en est pas moins spectaculaire digne d'un final de blockbuster où tout est cohérent avec le reste de l'oeuvre étant, à la base, celle d'un auteur décédé reprise par un autre après sa disparition.

Ajoutons ceci un épilogue satisfaisant et nous voici avec tout ce qui fait une aventure excellente de Tintin.

En dehors de l'enquête d'Hergé et la conclusion aboutie de Rodier, Tintin et l'Alph-Art est empli de nouveaux personnages qui auraient mérité de réapparaître par la suite: Endaddine Akass, le mage inquiétant, Ramon Nash, l'artiste inspiré ou encore Martine Vandezande, premier (et hélas dernier) personnage féminin adulte (ou plutôt d'adolescente) de Tintin à être sympathique et appréciable loin de la capricieuse et castratrice Castafiore (quoiqu'il faut quand même reconnaître qu'elle s'est, parfois, révélée utile).

De plus, nous retrouvons de nombreux personnages récurrents de l'univers de Tintin pour le meilleur: Tintin lui-même et son caractère casse-cou, le Capitaine Haddock et ses jurons, les Dupondt toujours aussi inutile de façon hilarante, l'Emir avec son fils Abdallah et ses farces de "petit démon" ou encore la Castafiore elle-même écorchant encore et toujours le nom du pauvre ami de Tintin.

Cependant, on peut déplorer l'absence de Tchang qui, ici, aurait probablement été aussi utile que dans Le Lotus Bleu (ça et le fait qu'il aurait été chouette qu'il ne soit plus le damoiseau en détresse qu'il était dans Tintin au Tibet)

Malheureusement, si la plupart des personnages sont fidèles à eux-mêmes, ce n'est, hélas, pas le cas de Tournesol se limitant à des caméos et étant toujours traité comme une blague.

Certes, le personnage est drôle car distrait et dans sa bulle mais il n'en était pas pour autant clownesque avant tout: nous parlons tout de même de l'homme ayant créé un sous-marin révolutionnaire, ayant réussi à faire des expériences importantes dont l'une était le centre d'un album dans L'Affaire Tournesol et, surtout, étant allé sur la Lune avant Neil Amstrong.

Et Tournesol n'est pas le seul à ne pas être très bien traité puisque les autres personnages récurrents, bien qu'ils soient fidèles à eux-mêmes ne sont pas forcément utiles (sans oublier que la Castafiore est utile uniquement malgré elle) et étant limités à de la figuration.

Seuls l'ami de toujours du reporter, le Capitaine Haddock, et Milou, le chien fidèle, se montrent vraiment importants dans l'histoire durant les moments de tension.

En dehors de ceci, on peut également faire d'autres reproches à la version achevée de Rodier. En effet, si le style de cet auteur est proche de celui d'Hergé, on sent de temps en temps quelques ratés au niveau visuel. En effet, il arrive de temps à autre que les cheveux de Tintin et de Martine passent de roux à blonds/blonds vénitien dans certaines pages pour redevenir roux par la suite. De plus, à partir du moment où on passe du récit inachevé d'Hergé à la fin originale de Rodier, le dessin perd en qualité donc peut rebuter certains lecteurs. Tout ça pour dire qu'on sent que lorsque Rodier n'avait plus de bases visuelles pour créer sa version de Tintin et l'Alph-Art, il avait du mal à dessiner à partir de rien cet auteur semblant plus fait pour reprendre les univers des autres que de créer des univers originaux.

Toutefois, L'Alph-Art de Rodier est une excellente reprise de l'univers d'Hergé méritant largement sa place dans le monde de Tintin. Il est fort dommage que cette oeuvre n'ait jamais été reconnue officielle par la société Tintinimaginatio car c'est celle qui a le mieux compris que Tintin devait finir en beauté.

Et en dehors des auteurs intéressés par 'Tintin et l'Alph-Art', d'autres personnes se sont intéressées à l'univers de Tintin en détails et livré leurs analyses sur les aventures de notre reporter préféré. L'exemple le plus parlant de ceci est la série de documentaires 'Sur les traces de Tintin' riche en contenu sur le reporter et le monde l'entourant

(ma critique de la série-documentaire ici https://www.senscritique.com/serie/sur_les_traces_de_tintin/critique/294289386)

BlackBoomerang
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le 11 sept. 2023

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