En 2008, Émile Bravo frappait un grand coup avec son Journal d’un Ingénu, alternative sérieuse et un poil déroutante de l’univers Spirou soutenue par un dessin impeccable, une narration dense et des personnages travaillés. Avec toutefois le bémol Fantasio, antipathique au possible, parvenant même à provoquer indirectement le début des hostilités contre la Pologne…


L’album se terminait sur cette fausse note désagréable, mais Fantasio avait encore le bénéfice du doute. Dans cette suite, il passe à la vitesse supérieure et se montre détestable à chaque occasion. Un vrai festival. Il maltraite des orphelins, vole de la nourriture à des enfants, pille les placards de Spirou, refuse d’aider qui que ce soit, collabore sans se poser de questions. Et ce n’est qu’un échantillon. L’autre moitié de son activité consiste à multiplier les maladresses et les actions inconscientes, au point de précipiter la chute de la principale place forte de Belgique.


J’ai beau chercher, je ne lui trouve aucunes circonstances atténuantes et ça m’embête un peu pour apprécier cet album. Parce que dans l’absolu l’attitude de Fantasio ne serait pas un problème s’il ne s’appelait pas Fantasio et si ce n’était pas un album de Spirou. Seulement voilà, on a été habitué à ce que ce personnage ait une certaine personnalité, fantasque, étourdi, rêveur, colérique, dragueur même (chez Tome&Janry) ; quel que soit son rôle il était du bon côté. Si l’idée était de confronter Spirou à un ami aussi peu attentionné, Émile Bravo aurait aussi bien pu utiliser Zantafio, dont Fantasio fini par arborer la coupe de cheveux. Un clin d’œil qui me laisse penser que Bravo sait très bien ce qu’il fait avec ses personnages et que la malveillance latente de Fantasio servira son développement futur, dans les trois prochains albums. En tout cas il faut espérer.


A cela, il faut ajouter le côté moralisateur et caricatural qui, malheureusement, n’a pas été évité complètement, surtout en ce qui concerne les curés et les scouts qu’Émile Bravo n’a pas l’air de porter dans son cœur… L’aventure humaine est parfois à deux doigts de se transformer en propagande.


Ces défauts mis à part, il faut avouer qu’Émile Bravo signe encore une fois un gros morceau. 88 pages chargées de péripéties et de dessins exceptionnels, très agréable à lire, bien découpé, bien construit, dynamique et sans temps mort. L’humour est présent avec parcimonie, pas de gros gags mais des petites touches comme la tête impayable du fermier imitant Mussolini.


En vérité, il y a peu de choses à reprocher à cet album, si ce n’est d’exister dans le cadre d’une série bien établie et d’en trahir les codes et certains personnages. Pour cette raison, j’ai refermé l’album sur un sentiment très partagé, celui d’avoir lu une excellente BD mais un désagréable Spirou.

Tanaziof
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le 7 oct. 2018

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