Joe Dalton : "J'aime mieux être en prison et riche que pauvre et en liberté !!"

Cette déclaration du plus petit (mais du plus méchant) de la fratrie sur les risques qu'il entreprend à s'occuper du sort de Rantanplan sonne comme l'apothéose du personnage !

On plonge de suite dans l'album par la lecture du sublime testament d'Oggie Svenson, ancien détenu célèbre et richissime d'un pénitencier comme un autre :

Moi, Oggie Svenson, sain d'esprit sinon de corps, laisse toute ma fortune gagnée au jeu au seul être désintéressé que j'ai connu : le chien Rantanplan. Si Rantanplan meurt d'une façon ou d'une autre, toute ma fortune ira à cette franche canaille de Joe Dalton, les honnêtes gens m'ayant trop déçus.

Le décor est planté. Rantanplan s'en va malgré lui constater ce qui lui revient...quant aux Dalton ils s'évaderont et ils seront plus mal intentionnés que jamais. Lucky Luke se retrouvant une nouvelle fois au milieu de tout ce bazar.
Mais ce qui pourrait ressembler à une énième évasion et donc a du déjà-vu sera au contraire un album plus qu'original et détonnant dans la saga.

Tout d'abord les personnages sont très bons. Ni le meilleur album de Rantanplan (Ma Dalton ?), ni le meilleur Dalton (Les Dalton se rachètent ?), ni le meilleur Lucky Luke (trop à citer) mais tous sont excellents. Seul Jolly Jumper est très discret. Le fait de mettre Rantanplan à l'honneur, sans qu'il monopolise l'album, est mérité. A ce propos, la lecture de la critique de JLP_2 portant sur Rantanplan est vivement conseillée.

L'album prend ensuite une direction à laquelle on ne s'attend pas du tout (à part les quelques indices de la couverture) : une trame ancrée dans l'immigration chinoise au far west, illustrée par une planche 15 entièrement consacrée au rappel de ce fait de l'Histoire. Cela permet à la fois de donner de la consistance et de l'originalité au récit car les auteurs vont s'amuser avec les décalages culturels. Mais là où dans En remontant le Mississippi, les noirs de la Nouvelle-Orléans sont uniquement moqués et dominés, les chinois de L'Héritage de Rantanplan voient leur traitement (et notre regard) changer dans l'album. Au final, le caractère des chinois sera dépeint tout en nuance, entre protectionnisme, mystère et humour. Pour appronfondir le sujet sur un ton sérieux, la lecture de Chinaman vaut le détour.

Enfin l'album recèle d'éléments tout à fait intéressants comme des tentatives graphiques nouvelles de la part de Morris (beaucoup de couleurs parfois heureuses, parfois non), un gimmick sur les fratries de 4 (entre les Dalton, les Chester, les chinois), un délire hallucinogène de Rantanplan en planche 35 rappelant le passage "Quand l'appétit va tout va" du long-métrage animé Astérix et Cléopâtre (1968) ou encore une fin pleine de surprise (un peu comme Canyon Apache).

Le prochain album de Jul et Achdé devrait porter sur Rantanplan...attention à ne pas se louper.