L'Incal Noir est de ces oeuvres qui grattent l'épaisse peau adipeuse du chef d'oeuvre.


Premier tome des aventures rocambolesques de l'ami John Difool (Skyrock me fait grincer des dents à chaque fois que je prononce ce nom, aussi l'a t-il rendu ridicule), l'Incal Noir se dévore comme un poulet bien gras, juteux et à la chaire tendre, que l'on accompagne de bonnes grosses pommes de terre parce que merde au cholestérol pardieu ! Si l'on n'est bien rapidement introduit dans cet univers de science fiction, balancé à travers la fameuse cité-puits en compagnie de notre détective de classe R (ou P, ou A, à croire que personne ne sait bien au final), le chaos ne nous perd pas pour autant.


Non pas perdus par tant de détails minutieux, tant de couleurs magnifiques que l'on doit à l'immense Moebius, l'Incal charme dès ses premières planches. On y suit donc John, cet inspecteur un poil désabusé, si malchanceux qu'il se retrouve constamment au cœur des complots les plus fous. Et pour ne pas arranger ce caractère exceptionnel, John Difool fait la découverte d'un étrange artefact ,alors qu'il fuyait une affaire ayant mal tourné, dans les conduits d'aération de la cité, j'ai nommé l'Incal. L'Incal est un bitonio de forme pyramidale, aussi inutile qu’ésotérique pourrait-on croire. Seulement, sans le savoir John vient de mettre la main sur quelque chose qui le dépasse totalement. Ni une ni deux, le bougre doit fuir, fuir et encore fuir ses poursuivants, avides de lui dérober l'étrange objet.


L'Incal est fantastique tant il nous met face à ce qu'aurait pu être l'ultime projet de ses deux créateurs (Moebius et Jodo), Dune. Annoncé de la sorte on pourrait se dire que l'on va être déçu, que l'oeuvre ne dépassera jamais la si séduisante idée laissée dans le giron de Dune l'avortée. Que nenni ! Non, juste non, Jodo démontre une fois de plus son talent scénaristique, sa personnalité incroyable, ce charisme suintant ! Jodorowsky est un type généreux. Dans chacune de ses oeuvres, Jodo tente de magnifier son propos, de le rendre vivant, quasi palpable, unique, de lui apposer un langage spécifique rempli de néologismes, du dynamisme.


Bien que très court, ce premier épisode des aventures de notre détective privé ne se perd pas en de vaines explications, en une trame longue comme le bras de descriptions toutes plus lourdes les unes que les autres. Ici c'est l’univers qui soumet son lecteur à sa propre ignorance, ce qui facilite et sublime la surprise que peut nous distiller ses auteurs. On y découvre de grands thèmes de science fiction comme le transhumanisme, l'eugénisme, le système de classes d'êtres vivants, le recyclage d'organes, des armes et vaisseaux lasers surpuissants etc. Très sincèrement, il est inutile d'aller chercher son bonheur à droite à gauche lorsque l'on est si bien servit tout près de chez soi.


Il me tarde de poursuivre mon périple à travers ce jeu d'ombre et de lumière, de couleurs, de beauté comme de laideur. Une oeuvre rare.

Fosca
9
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le 4 avr. 2016

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Fosca

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