Du Nord de la France à Jérusalem en 1212 à pieds (et en bateau) il faut l’avouer : le trajet ne fait pas rêver. Si on ajoute en plus que le voyage est le fait d’enfants alors même s’il s’agit d’une croisade on doute qu’elle se termine bien, quand bien même c’est à l’appel de Dieu qu’ils répondent.
Les craintes exprimées à la fin du premier tome n’ont pas été levées avec les deux suivants. Au contraire. La croisade des Innocents montre comment un groupe, même mené par un leader charismatique (Étienne), se perd en cours de route : parce que l’objectif est lointain l’enthousiasme des débuts s’essouffle ; parce que d’autres personnes sont venues se greffer pour profiter de la situation et exploiter la bande ; parce que d’autres intérêts vont apparaître et parce que tout le monde n’est pas forcément animé par l’envie d’aller à Jérusalem. Gérer une telle hétérogénéité est un travail d’Hercule, pas d’Étienne.
C’est donc à une décomposition que nous assistons, des chairs et des âmes, d’un projet trop beau pour être vrai. On le sait depuis au moins Juliette et Roméo : les adultes gâchent tout. La plupart ne font pas exception ici. Et quand une éclaircie surgit elle est battue en brèche un peu plus loin. L’horizon même quand il est beau demeure toujours hors de portée.
On se consolera comme on pourra : certaines morts seront vengées, ceux qui se voyaient trop beaux seront vite ramenés à la réalité, Dieu reconnaîtra le sien (?). Malgré tout la cruauté l’emporte sur la charité et, même adossé à l’ombre d’un arbre on ne peut s’empêcher de penser que certaines voix devraient rester inaudibles pour ne pas corrompre les esprits et aiguiser des appétits bien peu religieux. L’amour de son prochain est encore un work in progress.