Est-ce qu'après le véritable fiasco du Sanctuaire du Gondwana, on remonte un peu la pente avec cet opus ? Oui, mais vu comment Yves Sente et André Julliard avaient touché le fond, cela aurait été difficile d'aller encore plus bas.


Bref, on retrouve cette fois Jean Van Hamme au scénario, dont les deux mérites sont d'avoir donné L'Affaire Francis Blake et de ne pas avoir donné Le Sanctuaire du Gondwana (oui, je n'ai toujours pas digéré !), mais cette fois sans Ted Benoît. Le dessin du premier tome (oui, c'est en deux tomes !) a donc été assuré par René Sterne, jusqu'à son décès brutal en cours de route, puis par l'épouse de ce dernier, Chantal de Spiegelser. Celui du second, quant à lui, a été conçu par Antoine Aubin et Etienne Schreder.


Et, bordel de merde, quelle est cette horreur. Non, je ne parle pas de l'album en entier, je parle de la couverture du premier tome. Comment un dessin aussi vide, aussi laid a-t-il pu être choisi pour faire office de couverture ? C'est peut-être superficiel ce que je dis, mais une couverture, ça doit donner envie de lire l'œuvre en question. Là, ça donne juste envie de fuir.


Bon, une fois passé la couverture, en ce qui concerne le dessin du premier tome, il est clair que René Sterne et Chantal De Spiegeleer sont incapables de dessiner l'action, de mettre les êtres en mouvement, de traduire une énergie, de montrer le spectaculaire. Vous voulez des exemples concrets ?


Page 17, lors de la poursuite. Impossible d'arriver à voir comment un éclair et un sapin parviennent à faire basculer une voiture dans le vide. C'est réduit à trois pauvres cases, là où il en fallait beaucoup plus. Dans la deuxième des trois, il faut s'y prendre au moins à deux fois pour voir où est la route et où est le vide. Il n'y a rien qui indique que la voiture ne peut pas s'arrêter (à cause de la vitesse et/ou de la panique ou de je ne sais pas quoi !) et éviter d'aller dans le vide. Autre exemple, page 15, Mortimer sautant d'une fenêtre. Personnellement, je vois plus une marionnette manipulée avec des fils par son marionnettiste que quelqu'un sautant d'une fenêtre. Je ne vais pas tous les faire, mais j'ose espérer que vous comprenez où je veux en venir.


C'est un peu mieux dans le second tome de ce point de vue, grâce à la rigueur et au talent d'Antoine Aubin.


Maintenant pour ce qui est du scénario.


Ouais, la religion, l'interprétation de la Bible, enfin du Nouveau Testament, pourquoi pas. C'est une œuvre qui laisse suffisamment de place à l'interprétation. Cela n'a jamais été abordé dans la série, donc OK. Reste que, dans cette optique, l'ensemble fait trop références au premier et au troisième volet de la trilogie (oui, je dis bien la trilogie !) Indiana Jones (donc Les Aventuriers de l'Arche perdue et Indiana Jones et la Dernière Croisade !) pour que le dernier quart ne soit pas autre chose que très prévisible. Que ce soit bien clair, je kiffe à mort cette trilogie, je trouve l'idée que l'univers de Spielberg croise celui de Jacobs cool, mais je ne veux pas que ce soit une excuse pour ne pas faire dans l'originalité, jusqu'à même y intégrés des nazis. Rendre hommage, d'accord, pomper, non (L'Affaire Francis Blake avait su faire des références précises à Hitchcock, mais en les détournant pour que les rebondissements ne soient pas prévisibles !). D'autant plus qu'il y a une Troisième Guerre mondiale dans l'univers de Blake et Mortimer, exploiter plutôt cette particularité, exploiter les belligérants de ce conflit fictif aurait été plus bienvenu.


Pour ce qui est Olrik, il est content parce qu'il va pouvoir se faire des tonnes de pognon et accessoirement se venger de ses deux ennemis. Ben non, pour l'Olrik de Jacobs, l'essentiel, c'est la vengeance. Le pognon, c'est juste un bonus. Et Jean Van Hamme, après avoir commis le même truc que dans la scène du barrage de L’Étrange Rendez-vous (dont La Malédiction des 30 deniers est la suite directe, car oui, au passage, c'est une telle désorganisation dans leur production tayloriste des albums, pour exploiter le moindre centime potentiel, que l'action ne suit pas du tout les deux précédents albums, qui sont de Sente et Julliard !), n'a pas compris aussi qu'Olrik n'est pas un suicidaire. S'il est mort, il ne peut plus s'amuser, il ne peut plus avoir sa raison de vivre, donc le voir risquer sa peau, sans y être contraint par les circonstances, pour essayer de buter ses deux ennemis alors que tout s'effondre, non, cela n'est pas crédible.


Je sais que je devrais voir mes exigences à la baisse, car personne ne peut remplacer véritablement le grand Jacobs, mais désolé, j'estime que son talent, que son perfectionnisme et que son ambition méritent d'être beaucoup mieux honorés.

Plume231
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le 9 avr. 2021

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