Merci maman de ne pas avoir assassiner papa quand il t'a demandé en mariage

Alors, on fait quoi, canasson ? On sait que Mindy a pris l’or de Bernhardt, et probablement sa mule aussi. On sait aussi qu’elle n’a sans doute jamais chevauché dans la région auparavant. Ce qui signifie que c’est sûrement la mule, et non pas Mindy, qui choisit le chemin.

Je m'engage dans une bataille là où le génie s'éteint, au sein d'un western devenu cirque... Mindy Maguire, quand l'ultra-féminisme devient un alibi pour meurtre !


Notice d'utilisation : « Bonjour, je vais joyeusement revenir plusieurs fois sur le féminisme présent dans cet album, précisant d'emblée que je parle "à chaque fois" du féminisme extrémiste. Ainsi, je vous conjure de ne pas tenter des raccourcis simplistes avec le véritable féminisme que je défends, afin d'éviter des leçons de morale prévisibles. Économisons du temps, je vous prie, en évitant les platitudes moralisatrices, et si vous avez des désaccords, n'hésitez pas à les exprimer directement en réaction à mes propos réels. Je suis ouvert au débat, pourvu qu'il reste courtois. Merci pour votre attention et place à ma critique. »

J'anticipais avec enthousiasme le plaisir de plonger de nouveau dans l'univers implacable de Marshal Bass avec le tome 8 : « La Mort misérable et solitaire de Mindy Maguire ». Une saga dont je suis fan, s'articulant comme un western original avec son approche extrêmement réaliste et violent, créé par le tandem Darkan Macan - Igor Kordey. Malheureusement, ce nouveau périple m'a laissé plus que perplexe. À ma grande surprise, je n'ai pas retrouvé la plume incisive habituelle des scénarios de Macan, ni la qualité des dessins de Kordey. On a plutôt l'impression d'une nouvelle bande dessinée créée sans une once de passion, simplement pour répondre à des obligations envers les éditions Delcourt. Je m'interroge sincèrement sur ce qui a bien pu se passer. La Mort misérable et solitaire de Mindy Maguire nous entraîne dans un récit de traque, un terme à prendre avec des pincettes étant donné que Mindy est rapidement retrouvée par River Bass. Ce dernier entretient une relation amicale avec la prostituée, qu'il visite régulièrement en tant que client, mais cette fois, elle est poursuivie pour avoir abattu un client. Au début, je pensais découvrir que Mindy avait agi en légitime défense face à des sévices, obligeant ainsi Bass à prouver son innocence face à l'autre shérif lancé à ses trousses avec son équipe de bras cassés. Oh que non ! En réalité, on apprend qu'elle a tué son client simplement parce qu'il l'aimait et lui avait proposé le mariage, sans autre explication valable. Un geste radical qui ici répond à un message féministe poussé à l'extrême que je vous laisse découvrir : « Je vais vous dire la vérité. Je n'ai jamais été une femme libre. J'ai toujours eu des dettes à rembourser. La seule chose qui me faisait avancer, c'était l'idée de pouvoir être libre. Et si jamais je devais me marier... je serais une esclave pour toujours. Quoi que je fasse, tous mes espoirs de liberté s'envoleraient pour de bon. Je n'y retournerai pas, River, jamais. »


Alors, chère Mindy, juste pour te rafraîchir la mémoire, il ne s'agissait absolument pas d'un mariage forcé ni d'un prétendant sadique dont tu aurais dû craindre la menace. Donc, la chose la plus sensée et simple que tu aurais pu faire, si l'idée du mariage te semblait être une prison insurmontable, c'était tout simplement de répondre poliment "non" au pauvre bougre que tu as gratuitement expédié six pieds sous terre. C'est bien connu, abattre quelqu'un est la façon la plus efficace de dire "non" à une proposition de mariage, n'est-ce pas cher lecteur ? Un ultra-féminisme qui nous éblouit par son manque flagrant de direction, car l'histoire se limite à cela et rien d'autre. Pire encore, il devient carrément détestable et néfaste, puisqu'il approuve tacitement les actions de Mindy. Parce que bien sûr, lorsqu'un homme ose faire une demande en mariage aujourd'hui, la réaction la plus naturelle pour une femme libérée est évidemment de le tuer, car c'est perçu comme une agression. C'est tellement logique. Pour éviter que le lecteur ne sombre dans un coma profond à cause de la vacuité abyssale du scénario (qui, rappelons-le, se résume à deux lignes, pas une de plus), on décide d'ajouter subitement un Indien alcoolique, Enapay, sorti tout droit de nulle part, pour nous narrer l'épique bataille de Little Bighorn avec Crazy Horse. Histoire de dire : "Regardez, on a jeté des références historiques, on est tellement profonds." Et comme si cela ne suffisait pas, on nous inflige un personnage secondaire, pas détestable mais totalement inutile, en la personne de Cameron Defoe, le frère de "Xander", le méchant du tome 1 : « Black & White », et accessoirement le frère de "Lionel" vu dans le tome 3 : « Son nom est personne », ou encore de sa sœur découverte dans le tome 5 : « L'Ange de Lombard Street ». Bien sûr, tout cela pour faire semblant de dire : "Hé, regardez, on se souvient de nos histoires précédentes, tout est super cohérent." Mais ne vous y trompez pas, c'est juste une façade, un remplissage futile et désespéré servant à masquer l'absolue stérilité et nullité du récit principal autour de Mindy.


D'ordinaire, j'apprécie énormément le style de Macan, car il crée des personnages d'une complexité remarquable, où les bons ne sont jamais totalement bons et les victimes ne sont pas nécessairement des victimes. Cette approche intelligente apporte une complexité captivante, démontrant que la moralité ne se résume pas à la couleur de peau ou au genre. En somme, elle reflète la réalité de notre société, où n'importe qui peut être un salaud, et jusqu'à présent, le scénariste avait su éviter de se laisser emporter par les idées folles du moment qui envahissent nos divertissements. Au contraire, il faisait preuve d'une intelligence accrue en les confrontant par le réalisme. Mais, ici, ce n'est malheureusement plus le cas. Un changement de cap regrettable. Pire encore, cette nouvelle approche va nuire gravement à la cohérence et au génie de cette œuvre, notamment en ce qui concerne le génial et complexe River Bass, qui perd son humanité à cause d'une incohérence de taille. Une "subtilité" qui n'échappera pas à celui qui suit ses aventures depuis le début. Je m'explique. Dans le tome 3, "Son nom est Personne", Bass a le courage de tuer son propre fils, un meurtrier, refusant de le laisser échapper à la justice, car, pour lui, personne n'est au-dessus de la loi. Un choix tragique et dur qui constitue le génie même de ce troisième tome et la complexité du personnage. Et puis, miracle dans le tome 8, Bass décide soudainement de faire une petite pause dans son amour de la justice, préférant fermer les yeux sur les méfaits de Mindy, la laissant s'en sortir sans la moindre contrainte. Alors, certes on tente de nous expliquer très vite fait ça, via le propos de Bass : « Je ne veux pas avoir à choisir entre la loi et toi, Mindy... J'ai déjà eu à faire ce genre de choix, une fois, et je... », mais le problème, c'est que ça ne tient pas une seconde, car on a eu d'autres tomes avant celui-ci où ce genre de regrets n'était pas une seule fois présent envers d'autres antagonistes, et puis en plus, Mindy ne fait rien pour susciter un minimum de repentance à son égard, c'est même pire. C'est tellement logique (ironie) que le gars puisse flinguer son propre fils, mais laisse tranquille Mindy, qui est responsable d'un crime tout aussi grave que celui du fils, voire même pire, puisqu'il est gratuit et révèle en plus d'autres méfaits de la part de la prostituée, tels que le mensonge et le vol.


Homme blanc dire à son esclave de donner de l’eau de feu à Enapay. En échange, Enapay vous raconter bataille de Greasy Grass. Homme blanc dire à sa squaw de fermer sa bouche quand les hommes parlent, et de laisser la bouteille.

Preuve: « C'est terrible, ce que j'ai fait. C'est que j'ai ressenti un tel désespoir, lorsqu'il a fait sa demande... ma main s'est dirigée droit vers sa ceinture contre mon gré ! C'est idiot d'accuser sa main, je le sais. Mais c'est comme si quelqu'un d'autre avait tiré et que moi, j'avais tout regardé de l'extérieur. », à quoi répond Bass : « Tu as bien volé son or pourtant. Ou bien c'était ta main, ça aussi ? », et voilà que Mindy finit par avouer : « Non... ça, c'était moi. » Voilà, Mindy est une pourriture, rien de plus. Et pourtant, Bass l'épargne, ce qui contredit totalement l'essence de ce personnage, c'est tout à fait logique, rien à redire ! Pendant ma lecture, après les révélations de Mindy, je me suis immédiatement dit que c'était fichu pour elle, car Bass allait régler son compte ou l'arrêter, qu'il l'apprécie ou non. Sur le moment, je pensais percevoir une subtile satire de la part de Macan et Kordey envers le mouvement radical du féminisme et de toutes ses dérives en les confrontant par à une critique intelligente du réel. Surtout que, voyez-vous, Mindy, en plus du fond qui caractérise son personnage, incarne sur la forme tout ce que l'on peut observer dans le mouvement des "éveillés". Elle est délibérément dessinée avec des traits ronds, des cheveux négligés et colorés, une tenue aux couleurs flashies, et en prime, elle est excentrique et prône l'idée de coucher à tout va avec n'importe qui, en tenant des propos pour le moins sans pudeur. Une caricature de ce libéralisme qui m'a beaucoup amusé. Franchement, sur le moment, je m'attendais à une satire cinglante contre cette femme, ou bien contre le mouvement qu'elle représente, ou alors une critique acérée qui va confondre l'idéologie au factuel, ou encore une vision simplement moqueuse... En gros, quelque chose qui aurait fait du subtil et du sale en même temps, comme nous y avaient habitués le duo à travers tous les autres tomes de la saga via d'autres sujets contre lesquels ils ne se sont pas privés une seule fois de faire dans le sarcasme. Eh bien, je me suis planté, c'est même tout le contraire. En tant que grand fan de cet univers, je dois avouer que je suis un peu perdu, car ici on nous livre une subversion ratée d'un féminisme caricatural qui démontre que tuer, c'est libérateur.


Il me vient à l'esprit une interrogation légitime : et si tout cela n'était pas imposé au duo par les éditions Delcourt ? Cette hypothèse pourrait expliquer pourquoi l'écriture atteint des abysses de médiocrité comparées à ce qu'ils nous offrent habituellement. C'est d'autant plus flagrant avec un arc principal qui, tenez-vous bien, est résolu dès la page 19, et dont toute la vérité autour de Mindy est dévoilée dès la page 26. Pour meubler ce vide abyssal, on nous colle des éléments secondaires voyants (rappelez-vous l'Indien alcoolique), qui certes entraînent deux scènes d'action pas dégueulasses, mais d'une gratuité totale, n'ayant pour unique but que de maintenir l'éveil du lecteur. En gros, qu'il soit là ou non ne change strictement rien au récit, c'est de la poudre aux yeux. Même les dessins de Kordey, habituellement de très bonne facture avec une approche graphique personnelle qui me plaît beaucoup, atteignent ici un niveau bien moins maîtrisé. Les visages sont parfois approximatifs, de nombreux dessins manquent de finition, et surtout, mon Dieu, sur de très nombreux plans, les personnages ressemblent à des nains. On en arrive à se demander si ce n'est pas une touche délibérée de la part du dessinateur pour justifier qu'ils ont été réduits sur ce tome. Si l'on suppose que c'est une obligation imposée par le studio, qui aurait dicté au duo de suivre le courant idéologique en vogue, cela expliquerait à mes yeux pourquoi on ne retrouve plus la brillance caractéristique des deux artistes. Ils semblent se contenter de délivrer le strict minimum au studio, agissant comme s'ils disaient : "C'est bon, vous avez eu ce que vous vouliez ? Maintenant, laissez-nous tranquilles !" C'est une simple hypothèse de ma part bien entendu, mais à mon avis, s'il en est ainsi, ils avaient probablement initialement l'intention de développer cette histoire, mais ont dû altérer l'écriture du récit pour qu'elle concorde avec l'idéologie du moment. Résultat : un album lisse et vide avec un message irrecevable, totalement dissonant par rapport à tous les autres tomes, et le tout bien éloigné du génie auquel on était habitué.


Mais si l'on considère que ce tumulte découle d'une décision éclairée du duo, qui aurait créé ce nouveau tome en toute liberté et sans entraves, alors force est de constater qu'ils ont réalisé un exploit de médiocrité retentissant. C'est non seulement bien en deçà de tout ce qu'ils nous ont prodigué précédemment, tant dans le fond que dans la forme, mais n'oublions pas les contradictions importantes qui s'y trouvent, et qui pourraient peut-être échapper aux yeux des non-initiés de la saga, mais assurément pas aux yeux des fans. Si cela s'avère être le cas, alors cela remet sérieusement en question toute la confiance que j'avais placée en cet univers que je chéris depuis le tout premier tome. Surtout avec ce message d'une profondeur déconcertante (l'ironie, toujours l'ironie), illogique et, soyons francs, carrément dangereux, qui suinte de cette bande dessinée et que j'ai bien du mal à assimiler. "Parce que, vous savez, on cherche à justifier un meurtre sous couvert de féminisme, comme si c'était la norme d'exprimer son refus en abattant un homme innocent qui a eu l'audace de faire une demande en mariage. Comme si c'était une réaction réfléchie dictée par une femme naturellement opprimée par les hommes, sans autre choix que de répondre de cette manière car venir demander la main d'une femme est à présent vu comme une agression. La logique de dérangée mental, sérieusement. Merci maman de ne pas avoir décidé d'assassiner papa quand il t'a demandé en mariage. Et le tout est en plus avalisé par un homme de loi, River Bass, qui, dans sa grande sagesse, laisse la femme libre, femme qui à aucun moment ne se rachète une conduite et montre au contraire une attitude tout du long détestable, alors que Bass avait tué son propre fils parce qu'il était un meurtrier. Putain, rien que d'écrire ça, ça me met hors de moi tant c'est débile et dénué de tout sens. Chapeau bas pour cette démonstration de logique implacable !" Quelle est la leçon à tirer de tout cela, je me le demande bien ? La vérité m'échappe, mais une part de la réponse pourrait se dévoiler à travers la lecture des autres tomes. J'espère sincèrement ne pas m'être trompé, car sinon, je crains de voir l'univers de Marshal Bass sombrer dans une médiocrité que je ne lui souhaite vraiment pas. Quelle que soit la raison, cette expérience avec « La Mort misérable et solitaire de Mindy Maguire », laisse un goût amer et une inquiétude quant à l'avenir de cette saga.


CONCLUSION :


Et dire que je me faisais une joie de découvrir le tome 8 de Marshal Bass, ou comment tuer l'intelligence d'une saga en 56 pages seulement. Avec ce nouvel album, la logique part vers le soleil couchant et l'ultra féminisme en croisade avec un retournement de personnage digne des plus grandes incohérences, le tout jonché par des éléments secondaires qui masquent le vide abyssal d'un scénario problématique. Quelle déception ! Ni à faire, ni à refaire ! La justice selon Bass... une justice à géométrie variable. La Chute de l'Empire Bass ?


Moralité : Merci maman de ne pas avoir décidé d'assassiner papa quand il t'a demandé en mariage. Je vous jure, ce monde devient taré, non, il est taré !


Sérieusement, River, as-tu bien regardé ces pauvres misérables que tu as envoyé à Fort Wayne ces derniers jours ? As-tu déjà arrêté quelqu’un de riche ou d’influent ? Admets-le, River, la seule raison pour laquelle je ne suis pas encore aux fers, c’est parce que tu me connais un peu. N’importe quelle autre fille n’aurait pas cette chance. Tout comme aucun juge ne nous traiterait de la même manière, moi ou monsieur le planteur, ici présent. Nous n’habitons pas le même monde, c’est tout.

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le 30 déc. 2023

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