À chaque héros son alcoolique : Tintin a eu Archibald Haddock, Blueberry a désormais Jim McClure. « Mille milliards de pétards ! » (p. 16), déclare d’ailleurs le général Crook lors de sa première entrevue avec ce dernier. Je ne me souviens plus comment Hergé faisait entrer le marin barbu dans sa série, mais l’introduction du prospecteur chauve par Charlier semble avant tout guidée par le souci de renouveler la quête de Blueberry – obtenir la paix – sans trop se répéter.
De fait, ce quatrième volume est assez peu répétitif : notre héros varie ses ruses (malgré un nouveau coup du clairon, p. 30), il se lave, et ses scènes d’action apportent quelques variations bienvenues au schéma « héros en mauvaise posture / évasion de dernière minute » qu’on retrouve depuis le début de la série. Cet album présente, à ma connaissance, la seule occurrence en bande dessinée d’un combat qui cesse parce que l’un des combattants s’endort ! Du reste, Blueberry arrête d’abattre ses chevaux et commence à se montrer explicitement sensible au charme féminin. Parallèlement à cela, les personnages se complexifient, et l’on sort même timidement, avec la bande des déserteurs sudistes, du récit d’action uniquement structuré par une dichotomie bons / méchants.
En fait, avec Le Cavalier perdu, en particulier à la fin, on s’éloigne un peu du récit d’action tout court. Non seulement on y parle beaucoup, avec un peu moins de ces dialogues artificiels qui alourdissaient parfois les albums précédents en explicitant le contexte et les intentions des personnages, mais la parole devient un véritable enjeu narratif : c’est des différentes négociations – entre Blueberry et Charriba, entre Charriba et Quanah, entre Crowe et Finlay, voire entre Blueberry et McClure – que dépend le sort des protagonistes.
J’ignore si cette prédominance du dialogue par rapport au dessin dans Le Cavalier perdu est liée au fait que Jijé a dessiné une vingtaine de planches. Ce n’est peut-être pas un hasard, en revanche, si on trouve aussi une lettre (p. 5, p. 18) : Le Cavalier perdu parle de la parole.