Quand un matou philosophe sort ses griffes pour tacler l’absurde

Avec Le Chat, tome 1 (1983), Philippe Geluck fait entrer en scène un personnage aussi rond que pince-sans-rire : un félin bedonnant, cravaté, et surtout doté d’un esprit affûté comme un rasoir. Ce n’est pas un héros de bande dessinée classique. Ici, pas d’action ni de rebondissements haletants. Le Chat, c’est avant tout un marathon de réflexions absurdes, de jeux de mots délicieusement idiots, et de vérités assénées avec le flegme d’un philosophe en pantoufles.


Le principe est simple : une succession de gags en une ou deux cases où Le Chat commente tout et n’importe quoi avec un calme olympien. Religion, politique, société, science… tout y passe, et souvent de manière tellement absurde qu’on se surprend à rire tout en fronçant les sourcils. Oui, Le Chat fait cogiter et sourire à la fois, ce qui, avouons-le, n’est pas un mince exploit.


Philippe Geluck donne vie à un antihéros parfait : un gros matou avec une tronche impassible qui lui permet de balancer les pires absurdités sans jamais ciller. Le ton est froid, mais le fond est souvent d’une drôlerie irrésistible. Parfois bête à pleurer, parfois cynique à souhait, Le Chat nous renvoie notre propre absurdité en pleine figure, avec la nonchalance de celui qui sait qu’il n’a rien à prouver.


Visuellement, Geluck opte pour la simplicité. Les dessins sont minimalistes, presque dépouillés, mais terriblement efficaces. Le trait épais et les formes rondes du Chat en font une icône immédiate, un personnage qu’on reconnaîtrait entre mille, même en ombre chinoise. Les décors, souvent absents ou réduits à l’essentiel, laissent toute la place au texte et aux expressions savoureusement figées du héros. Un modèle d’efficacité graphique qui fonctionne à merveille.


L’humour, quant à lui, oscille entre le jeu de mots facile (mais assumé !) et la réflexion plus piquante. Certains gags tombent dans la simplicité extrême ("Oups, j’ai marché sur un râteau" niveau farce), mais d’autres frappent juste avec une intelligence désarmante. Geluck manie l’art du contre-pied comme personne : une phrase anodine se transforme soudain en bombe d’absurde qui fait mouche. Cependant, cet humour à froid, parfois répétitif, peut aussi laisser quelques lecteurs de marbre si l’on n’est pas réceptif au second degré.


La vraie force de Le Chat, c’est cette capacité à tout désacraliser. Rien n’est sérieux, mais tout est pertinent. On y voit parfois un miroir moqueur de nos travers, ou une manière élégante de dire que la vie, au fond, n’est qu’une grande farce. Et tant qu’à rire, autant le faire en bonne compagnie.


En résumé, Le Chat, tome 1 est une petite pépite d’humour absurde, portée par un personnage devenu légendaire. Philippe Geluck réussit à nous faire rire et réfléchir avec trois traits et une vanne, ce qui force le respect. Certes, l’humour peut sembler répétitif pour certains, mais ceux qui se laissent charmer par le regard impassible du matou repartiront avec un sourire… et l’impression que tout, même l’absurde, a du sens quand c’est Le Chat qui le dit.

CinephageAiguise
7

Créée

le 17 déc. 2024

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