Ave César ! Bienvenue à nos envahisseurs bien-aimés !

- On le descend ? D'ici, je peux l'avoir d'un coup de menhir...
- Non ! Autant en emporte le vent !... Mais pour la potion, il faudra trouver autre chose !

La subtilité de Goscinny dans Le Combat des Chefs

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« Ces Gaulois continuent à nous humilier ! », s'indigne le centurion Langélus, après une nouvelle humiliation subie par ses troupes. Tandis que Perclus, son aide camp, avec un air insidieux et roublard, ajoute : « Il faut trouver une solution, ô Langélus... Sinon, Rome va te sonner les cloches. » En réponse à cette constatation inévitable, voilà que le centurion, inquiet, s'en remet totalement à son aide camp, qui finit par lui proposer :

« - Ça fait longtemps que je suis en garnison dans ce pays et je connais les coutumes des Gaulois, et une coutume qui pourrait nous servir, c'est celle du combat des chefs...

- Le combat des chefs ?

- Oui, en Gaule, quand le chef d'une tribu veut devenir le chef de deux tribus, il défie un autre chef à un combat singulier. Le vaincu doit se soumettre avec sa tribu au vainqueur... »

Alors qu'un sinistre complot commence à se mettre en place, le paisible village gaulois voit le malheureux Panoramix être victime de la maladresse d'Obélix, qui le frappe accidentellement avec un menhir, le plongeant ainsi dans la folie. Ce malheureux incident survient à un moment particulièrement inopportun, car les Romains proposent un combat des chefs opposant Panoramix à leur champion gallo-romain, Aplusbégalix, originaire du village de Sérum. Cette situation promet une nouvelle histoire captivante signée René Goscinny et Albert Uderzo. Toutefois, cette fois-ci, l'intrigue se déroule non loin du village gaulois, offrant une perspective intime sur les héros Astérix et Obélix. Une approche intéressante permettant de découvrir davantage certains personnages du cercle proche des deux Gaulois, ainsi que des coutumes spécifiques à leur communauté.


Il en résulte une bande dessinée encore plus riche en humour délectable, regorgeant de jeux de mots constants, que ce soit en relation avec le costume de camouflage de la troupe romaine « Essayer d'avoir l'air le plus végétal possible », « Je tremble comme une feuille morte », « C'est comme moi, vieille branche »... ou encore avec la culture gallo-romaine. On se divertit grâce aux nombreux clins d'œil, notamment ceux liés à la file d'attente chez le médecin, agrémentés d'une touche amusante avec la présence de notre cher Napoléon. De plus, on trouve différents éléments jouant avec le monde des forains, comme avec "les Chars Tamponneurs", les "Montagnes Slaves", le "Grand magazine des jeunes de l'an 1 !"... et on découvre même une affiche plaisante mettant en scène notre cher Marsupilami, ou plutôt "Marsupilamix". Comme vous l'avez compris, Le Combat des Chefs est l'un des tomes de la saga Astérix que je considère parmi les plus drôles. Parmi les séquences qui m'ont arraché des éclats de rire, je souligne les mésaventures répétées du malheureux "Plutoqueprévus", confronté à toutes sortes de péripéties, les moments de folie de "Panoramix" livrant des potions explosives, la réaction comique de "Langélus" face aux déguisements remarquablement efficaces de ses soldats en buissons, qui s'avèrent être de véritables buissons, le premier face-à-face entre "Abraracourcix" et "Aplusbégalix", au cours duquel ce dernier s'humilie en étant mal compris par les porteurs de son bouclier, et enfin la charge finale entre nos Gaulois et les Romains, avec un "Perclus" recevant une volée hilarante après avoir trop cru en sa propre bravoure lors de l'assaut. « Je vais te montrer moi, s'il rigole ! »



Tant qu'il y a des marmites, il y a de l'espoir !


Un aspect significatif de cet album pourrait être interprété comme une critique de la part de Goscinny envers les collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il suggère même que si l'ensemble des Français avait fait preuve de davantage de courage, l'Allemagne n'aurait jamais pu imposer sa domination. « Par Jupiter ! Si tous les Gaulois étaient comme celui-là, c'est nous qui serions Romo-Gaulois ! » Il convient de se rappeler qu'après la défaite de la France par l'Allemagne et la signature de l'armistice, environ 2 à 3% des citoyens français ont rejoint la collaboration, tandis que 2 à 3% ont intégré la résistance. Le reste a adopté une attitude prudente, cherchant à échapper à d'éventuelles représailles. Il est crucial de noter que 55 000 soldats de l'armée française ont perdu la vie, 123 000 ont été blessés, et 1 800 000 ont été faits prisonniers, parmi lesquels 1 600 000 ont été emmenés en Allemagne. Ces chiffres ne doivent en aucun cas être négligés, car la tendance actuelle à minimiser ces faits en les qualifiant simplement de lâcheté est injuste, surtout que dans mon cas, mon arrière grand-père fut d'abord un prisonnier allemand, puis un résistant. Dans ce contexte, Goscinny fait brillamment référence à la culture gallo-romaine, caractérisée par l'adoption ou l'adaptation gauloise de la morale et du mode de vie romain au sein d'un cadre typiquement gaulois, comme illustré de manière ingénieuse dans le village de Sérum par les dessins d'Uderzo. Il souligne l'importance cruciale de se souvenir de ses origines et de reconnaître la valeur de nos racines. Il met en garde contre le risque de s'éloigner de nos racines, soulignant que cela pourrait nous conduire à servir d'autres causes préjudiciables car voulant mettre fin à ce que nous sommes. Un commentaire auquel je ne peux qu'adhérer, particulièrement dans notre époque actuelle où des discours insidieux et haineux cherchent systématiquement à nous priver de nos racines, justifiant cela au nom du progrès. « Je te laisse partir libre avec ton peuple ! Je te demande simplement de ne pas oublier que tu es Gaulois et de ne plus servir la cause des Romains. »

Dans cette histoire, bien que constamment présent, Astérix ne peut se distinguer que par son intelligence, étant privé de potion magique. Il est intéressant de noter qu'Astérix, tout au long de l'intrigue, se contente de subir les événements, réagissant à l'urgence du moment sans jamais réellement déjouer les problématiques. Il n'est en aucun cas responsable du rétablissement de Panoramix et ne parvient jamais à trouver une solution à la confrontation des Chefs. Néanmoins, il joue un rôle crucial en entraînant son chef, Abraracourcix, en vue du combat qui l'attend. Cet entraînement se révélera d'une importance capitale, car il sera à l'origine de la victoire du chef du village gaulois. Un affrontement des plus divertissants qui aboutit de manière ingénieuse à une victoire totale d'Abraracourcix, qui parvient à triompher d'Aplusbégalix sans avoir recours à la potion magique. Ceci confirme indiscutablement son statut de chef, et il démontre une véritable qualité de leader en prenant une décision honorable concernant le village d'Aplusbégalix. Comme quoi, il n'est pas qu'un chef empoté, lent et fainéant. Il semble d'ailleurs que nous apercevions pour la première fois la femme d'Abraracourcix, Bonemine. Mais, étant donné qu'elle n'est pas encore officiellement présentée comme telle, ceci demeure une simple supposition de ma part. Obélix se révèle ici comme le véritable antagoniste de l'histoire, étant continuellement maladroit au point d'accumuler les erreurs les unes après les autres. Cela offre aux Romains de nombreuses opportunités d'envahir le village, frôlant ainsi la catastrophe. Malgré cela, on ne peut que s'attacher à ce Gaulois qui demeure, une fois de plus, très attendrissant. Il incarne un véritable enfant qui nécessite une supervision constante. Enfin, le trio de Romains composé de Langélus, Perclus et Plutoqueprévus me divertit énormément. Des Romains qui se démarquent une fois de plus en étant les plus comiques de l'histoire.



CONCLUSION :

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"Le Combat des Chefs" du duo René Goscinny et Albert Uderzo offre une lecture divertissante et pleine d'humour, avec une profondeur subtile dans son exploration de thèmes tels que l'identité culturelle, mettant en lumière la nécessité de se souvenir de ses origines, et le courage face à l'adversité. Un récit dynamique et drôle dans lequel on ne s'ennuie pas une seconde et qui met en avant des éléments parodiant le monde romain et gaulois tout en offrant une palette de personnages savoureux. Un bon mélange !


L'alliance parfaite de rires, de réflexion et de divertissement, les ingrédients idéaux pour concocter la meilleure des potions magiques.



- C'est pourquoi faire, ces colonnes devant ta maison ?
- C'est pour faire gallo-romain
- Moi, je trouve ça plutôt gallo-grec…
- Gallo-pin !
- Il a toujours été comme ça… C'est une brute gallo-née !
B_Jérémy
8
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le 13 déc. 2023

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