Décidément, la série des "Une aventure de..." est la meilleure chose qui soit arrivée à Spirou depuis bien longtemps.

J'avais un peu ignoré cet album à sa sortie, il faut dire que le feuilletage m'avait laissé une drôle d'impression. Spirou tabasse un collabo, Spirou brûle vif des soldats allemands et fait des blagues à base de saucisses SS, les bons chrétiens belges se moquent bien de savoir où est passée la petite juive, etc.
Une attitude bien peu héroïque de la part d'un personnage souvent propre sur lui et un monde rempli de petites bassesses, de délations et de magouilles à deux francs belges qui font honte et mettent légèrement mal à l'aise.

Spirou ayant été suffisamment outragé depuis la fin de Tome & Janry, le Groom Vert de Gris avait rejoint les bas-fonds de ma liste de priorité. Cet album, destiné aux adultes, est pourtant une réussite.

Le dessin de Schwartz est somptueux, avec un style rétro-moderne bourré de détails, de références et de personnages aux attitudes incroyables. Fantasio a été parfaitement cerné avec toute sa créativité farfelue, son caractère explosif et ses contradictions. Lui et ses copains zazous forment une bouffée d'air frais, un noyau d'innocence délirante au milieu d'un album finalement assez cruel. Glu-Glu est un des rares personnages originaux à avoir un intérêt et un potentiel réel depuis, heu, depuis Luna Fatale ??... en 1995 !
Spirou récolte, lui, toutes sortes de dilemmes moraux à cirer les bottes de la Gestapo même si c'est pour jouer les mouchards et se réjouir occasionnellement de la mort de quelques allemands. Il joue aussi les tuyaux percés mais on s'attache peu à ce gamin complètement largué, poursuivi par une pin-up nazie fétichiste des grooms. Pas étonnant qu'il devienne alcoolique dans "La Femme Léopard".

Les décors et la mise en scène sont tout aussi géniaux que les personnages, de la grande bande-dessinée. Seuls les dialogues sont décevants. Déjà, le jargon bruxellois, moi y en a pas comprendre tout, et puis Fantasio qui inverse des syllabes, ce n'est pas un gag suffisamment drôle pour se permettre de le répéter dix fois.

La grande force de l'album, finalement, c'est son manque de manichéisme. Certes les nazis sont infâmes mais chez les gentils résistants on tond, on exécute et on déteste les communistes. Certes le peuple est opprimé, mais il collabore aussi et dénonce des juifs...

C'est ce mélange entre le comique fantaisiste de bande-dessinée aux péripéties improbables, le pamphlet anti-nazi et la froide réalité de la vie sous l'occupation qui donne à l'album une moralité vraiment particulière : les nazis sont des ordures, sauf les grandes blondes sexys. Mon deuxième cerveau dit qu'il est d'accord.
Tanaziof
7
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le 3 janv. 2015

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Tanaziof

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