J’ai découvert Le Piège diabolique à l’âge de dix ans. Papa me dissuada de le lire, j’étais trop petit. Il l’abandonna sur la table du salon, je me précipitai et le dévorai d’une traite. Je n’ai rien compris, mais j’étais fasciné : « J’étais un grand ! » Ce n’est qu’à l’issue de nombre de relectures que je parvins à démêler les intrigues du sinistre Miloch.


Edgar P. Jacobs était un brillant second d’Hergé quand on lui proposa d’achever, en 1942, un album de Flash Gordon. Pris au jeu, il poursuivit par Le Rayon U, une variation sur le même thème, mêlant fantastique et science fiction. Un gentil militaire - le major Walton -, un bon savant - le professeur Marduk - et la belle assistante - Sylvia - combattent un traître - le capitaine Dagon- au service de méchants militaires. Il tenait ses héros. Hélas, la censure française sur les œuvres de jeunesse élimina la jeune femme.


Jacobs est belge. Or, depuis Waterloo, Bruxelles vit à l’heure britannique. Trompés par leur francophonie, nous oublions que le Belge est un Anglais continental. Jacobs troqua ses héros exotiques pour deux gentlemen. Le capitaine sir Francis-Percy Blake est un as flegmatique de la Royal Air Force qui a remisé son Spitfire pour intégrer les services secrets. Circonspect, réfléchi et prudent, il saura, le moment venu, se précipiter au secours de son ami. Le professeur sir Philip-Edgar-Angus Mortimer est aussi franc et loyal qu’impulsif. Chercheur en physique nucléaire, il excelle en météorologie, archéologie ou biologie moléculaire… Ce savant universel pratique aussi avec bonheur la boxe anglaise et le tir au pistolet. Ils sont tous deux issus de longues lignées d’officiers et d’administrateurs de l’Empire de sa majesté. La série associe réalisme, contemporain de son écriture, et science-fiction. Elle s’aventure dans des intrigues policières, ésotériques ou historiques pratiquant toujours le même sérieux. Nos héros ne rient pas, tout au plus, s’autorisent-ils, en dernière page, à sourire en sirotant un vieux whisky.


Le Piège diabolique est un Blake et Mortimer-sans-Blake. Le professeur se débrouillera seul : le piège était monoplace. Il s’en tirera très bien. L’histoire est suffisamment connue pour que je lève une partie du voile, le traquenard était temporel ! Sir Philip est précipité dans la gueule béante d’un T-Rex, avant d’être confronté à une jacquerie moyenâgeuse, pour enfin affronter un tyran mégalomane du lointain futur. Jacobs explique tout, je vous invite à relire l’extraordinaire page 38 !


J’ai vieilli. Une ou deux fois par an, je retourne visiter mes deux fidèles amis qui, eux, n’ont pas pris une ride : "Old Chap !"


Septembre 2017

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le 11 mars 2016

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Step de Boisse

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