Lorsque tu rencontres pour la première fois une BD d'Enki Bilal

Il faut un contexte : une grande bibliothèque, celle de mes parents. Je suis ado ou presque, je commence à m'aventurer vers d'autres sentiers, j'explore, je tente. Admirateur sans failles de Hergé ou de Franquin, je décide enfin d'ouvrir un des trésors de la collection de mes parents, rangé tout en haut des étagères. Je regarde partout de peur de me faire repéré, j'ouvre quelque pages. Mais qu'est- ce que cette merde ? C'est affreux, tout est gris, tout est noir, les personnages ne sourient pas, il n'y a pas de blagues, des écriteaux en noirs, des insultes, des corps à nus, du sang et un futur désespérant. Je ferme le livre. Je ne comprends pas. Je suis en sueurs, je regarde partout. Je vois des dessins, énigmatiques, terribles, sensuels, tragiques, des tableaux minutieux mais gribouillés, ensanglantés. Violents et durs. C'est l'effroi. Je suis pétrifié.
Plus j'avance dans l'album, plus il y a des poissons, des mouches, plus il y a de violence, d'insultes et de personnages immondes, c'en est trop pour moi. Je referme l'album, je le remet sur l'étagère correctement. J'ai l'impression d'avoir été violé. Mes mains tremblent. Je savais que ces fameux livres existaient, j'avais déjà vu ENKI BILAL en gros sur quelques livres. Mais qu'est- ce que c'était ce truc de malade ? Un choc assourdissant. Ma mère passe en souriant, je lui rends le sourire. Mais au fond de moi, c'est Bagdad. Mon cerveau s'est déconnecté pendant quelques secondes, le temps de reprendre son souffle.
Mais qui peut faire de ces trucs ? ce mec, et je le découvrirai plus tard, c'est ENKI BILAL. Un génie de la BD. Même Partie de chasse, que j'avais vaguement feuilleté quelques années auparavant, ne m'avait rien fait. Mais ces couleurs, ces personnages, cette histoire passionnante, cette ambiance de science- fiction apocalyptique, noire, donne un vrai cachet à l'ensemble. On tombe toujours amoureux des femmes de Enki Bilal. On aime Nick. Et on est fasciné par un tel méchant, surement un des plus grand de tous les temps : j'ai nommé "l'artiste" Warhole, monstre machiavélique et d'une puissance inégalé.
Et le dessin ? On en parle du dessin ? Ce style caractéristique de Bilal, composant des fresques et des tableaux incroyables. Du grand art.


Enki Bilal m'a fait frissonné, m'a fait peur, très peur, m'a fait sourire, m'a indigné, m'a rendu fou. Et c'est bien pour cela que j'apprécie tant ce mec : c'est un authentique créateur d'univers, à la fois dantesques et complexes, où se mélange la chair et le sang, la violence et la tendresse, le futur et le passé, les souvenirs et les machines, toutes les émotions y passent et c'est ça l'essentiel. Alors certes je n'ai pas commencé par les premiers, mais la tétralogie du monstre est un incroyable sommet de la BD française, un chef d'oeuvre. Et le premier tome, un choc qui reste dans les mémoires.
Rarement un mec m'aura autant fait bader sur un mot, un concept, un personnage :
Warhole, Warhole, Warhole....

Mathieu_Renard
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le 3 juil. 2016

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Matt  Fox

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