À travers ce récit Hergé innove par rapport aux précédentes aventures : il n'est plus question de faire dérouler une aventure dans un pays et le lieu de l'aventure ne constitue plus le fil conducteur du récit.
C'est l'aventure qui vient vers nos héros. On sait que beaucoup de Tintinophiles évoqueront le Lotus Bleu comme aventure marquant une nette évolution de la série et pourtant Les Cigares du Pharaon apporte déjà pas mal d'innovations quant à la structure du récit.
Hergé ayant envisagé d'envoyer Tintin en Chine, celui-ci avec Milou est à bord d'un navire qui doit les emmener à Shanghai. Nos amis auront affaire à un étrange savant et aussi à deux policiers venus les arrêter. Ils feront aussi connaissance de Rastapopoulos brièvement aperçu dans l'aventure américaine.
Tintin va être confronté à un trafic de stupéfiants qui va le conduire en Inde. Il faudra attendre le Lotus Bleu pour que la lutte contre ce trafic le conduise en Chine.
Le récit innove par le fait que Hergé met en scène des personnages appelés à participer à d'autres aventures dont les policiers Dupondt, Rastapopoulos et le Senhor Oliveira qu'on retrouvera beaucoup plus tard dans Au pays de l'or noir.
Un élément constitue un fil conducteur : les cigares qui masquent un autre contenu.
La documentation est assez fouillée et on a droit à un passage avec le trafic d'armes en Mer Rouge mené par le capitaine du Boutre qui est Henri de Monfreid.
On remarquera que Hergé a introduit quelques éléments qui vont servir pour l'aventure suivante : Le Lotus bleu dont le poison qui rend fou et le film tourné par la firme de Rastapopoulos. Le parcours effectué est assez proche de celui prévu à bord du navire de croisière au début du récit. C'est la première aventure où Tintin voit sa croisière interrompue avant celle à bord du Ranchi dans le Lotus Bleu.
Il faudra attendre le récit suivant pour que l'homme tombé dans les rochers soit identifié et pour qu'on découvre la vraie personnalité de Rastapopoulos. On remarquera qu'à chaque fois que Tintin croise Rastapopoulos il lui arrive des mésaventures ou ennuis (exemple de la gourde percée avant la traversée du désert ou arrestation à bord du Boutre).
Hergé fait aussi apparaître un Japonais parmi les personnes cagoulées capturées à Rawajpoutalah... avant le personnage de Mitsuhirato dans l'album suivant.
Un album excellent et très bien écrit malgré quelques passages un peu naïfs....avec tous les ingrédients d'une véritable aventure de Tintin !
On notera page 62 une vignette très bien conçue où l'écrivain et le professeur Siclone vont prendre place à bord d'une ambulance :
La voiture de ces messieurs est avancée dit un des hommes du Maharajah (un employé de l'asile dans la version noir et blanc).
Philémon Siclone répond fièrement : Ah bon voici notre carrosse .... sans prêter attention à la croix rouge bien visible sur le véhicule alors qu'à la vue de celle ci les deux hommes auraient pu ne pas monter à bord.
On notera un Tintin plus humain quand il soigne un éléphant avec les moyens du bord et quand il intervient pour délivrer le fils du Maharajah de ses ravisseurs. Il est bienveillant aussi vis à vis du Maharajah.
On notera par rapport à la version originale un personnage ajouté : Allan Thompson. Il remplace simplement le Cap'tain du City of Doodlecastle qui a pratiquement la même mission vis à vis de Tintin et Milou emprisonnés dans des sarcophages.
L' égyptologue fait partie des premiers savants à apparaître dans l'univers de Tintin soit dix ans avant le professeur Tournesol. Hergé portait déjà un intérêt pour ces personnages et on rencontrera d'autres savants dans l'oreille cassée, dans le sceptre d'Ottokar et dans l'Etoile mystérieuse. Le thème de la folie est lui aussi bien évoqué et il en sera de même avec le Lotus Bleu, l'Etoile mystérieuse et Au pays de l'or noir.
Un album qui mérite largement une lecture avec le Lotus Bleu.