Quelle merveille que ce dernier volume, et quelle amertume il laisse en dépit de sa beauté graphique ! Les leçons d'histoire qu'il nous inflige sont cruelles et je finis sa lecture dans le même état qu'à la fin de la somme graphique de Tardi sur le même sujet... L’écœurement le dispute à la révolte. Évidemment, les vainqueurs ont tartiné leur version de l'histoire partout où ils pouvaient porter leur sales pattes, si bien qu'on tombe de sa chaise en découvrant l'histoire de la Semaine Sanglante, qui restait un épisode un peu abstrait avant cette plongée terrifiante dans la répression la plus sommaire et la plus sanglante qui soit. Quelques anecdotes rapportées par des témoins directs font froid dans le dos, et le sort réservé aux insurgés qui rêvaient d'égalité et de fraternité donne envie d'aller badigeonner de Munster périmé les plaques de rue aux noms de Jules Ferry ou d'Adolphe Thiers. Que penser alors d'un Président qui donne à son mouvement politique le nom d'un recueil de textes incendiaires de Zola ou évoque Versailles comme le refuge d'une République en son temps assiégée ? Évidemment, la vision de Raphaël Meyssan est tout à fait partiale, mais il a passé huit ans à creuser dans les archives pour sculpter le portrait de ses protagonistes principaux, Lavalette et Victorine. Et il donne des gages d'honnêteté intellectuelle en ne ménageant pas le 1er quand les archives lui permettent d'exhumer des traits assez peu flatteurs de sa personnalité. Bref, une fois encore, je ressors de cette plongée dans l'histoire de la Commune, 150 ans après les faits, avec un drôle de goût au palais. L'imposture politique dégage des relents de moisi... Décidément, l'ordre manque cruellement d'attraits quand on le contemple à l'aune des répressions exercées en notre nom par le passé, parfois récent. Cette grande soupe idéologique dans laquelle on nous fait mijoter parvient malgré tout difficilement à masquer des enjeux humains primordiaux, qui émergent en dépit de tout de temps en temps, en pleine clarté. On ne peut que recommander des ouvrages comme celui-ci pour déciller des yeux commodément fermés sur la disproportion de certains rapports de force sociaux, y compris contemporains.