Un avis mitigé pour cette Bd jeunesse qui ne brille ni pas son originalité et encore moins par son scénario.


Zora est une sorcière et vit sur le penthouse d'un building parisien dans ce qui semble être à la fois une forêt magique et sa maison. Vivant avec sa grand-mère, elle se voit obligée d'aller étudier en tant que non-sorcière dans une école normale. Incapable de raisonner sa petite-fille, la grand-mère lui jette un sort qui tresse ses cheveux, la rendant alors incapable d'utiliser ses pouvoirs. C'est donc complètement de mauvaise foi que notre ado brimée entre dans au collège, avec le lot de commentaires désobligeants à son endroit et la palette de soucis avec à peu près tout ce qui jalonne sa journée. Mais au moins, il y a un gars mignon qui semble sympathique. Zora y rencontrera Olga, qu'elle soupçonne être sorcière aussi. Reste à trouver comment le découvrir.


Sans dénigrer le beau travail de décors et de graphisme au niveau des personnages, le reste est incroyablement ennuyeux. Une sorcière forcée d'aller à l'école normale, sans la moindre motivation, qui se découvre une comparse d'infortune, c'est à peu près tout ce qui marque le récit. Il n'y a pas de fond en soit: pas de quête, pas de problématique, pas d'enjeux majeurs. On sait brièvement qu'il y un conflit entre sorciers et non-sorcier, rapidement occulté pour des péripéties recyclées. On découvre au final que Zora a vu juste, Olga est sorcière ( on s'en doutait tous) et la voilà libérée de ses nattes, ce qui lui permet de faire des mauvais coups au collège, façon Mortelle Adèle: méchant, gratuit, sans raisons. On ne va concrètement nul part avec un scénario pareil. C'est donc l'histoire d'une sorcière dans une école normale. Que dire de plus?


Sinon, niveau personnage, Zora ne m'a pas vraiment conquis et pourtant j'aime beaucoup les personnages un peu décalés, sortis des standards. Ici, hélas, hormis un incontestable talent pour faire des bêtises et courir partout sans réelles motivations, je ne perçois pas de traits de personnalités réellement tangibles chez Zora. Oui, elle est teigneuse et pas motivée, on le comprend, mais ça reste très de surface. Elle veut devenir sorcière, étant fille de sorcier-sorcière, mais ceux-ci refusent. Voilà pourquoi. Mais c'est encore une raison mainte fois vue et revue qui sert encore d'excuses à faire une histoire. Oh, et bien sur, elle a un gros béguin rapide pour le seul personnage qui l'aime bien ( et accessoirement le type super beau de sa classe, évidemment). On reste dans les éléments connus pour la "clientèle jeune ado-fille de base": de la magie tout en couleurs et en lumière, un début de romance, de la "rebéllitude" pas très bien dosée et un choix de carrière que n'approuve pas ses parents. Il n'y a pas beaucoup de choses nouvelles et rafraichissantes dans ce premier tome, hélas, et pour faire le parallèle avec les nombreux autres livres à thématique "sorcellerie" pour la jeunesse, franchement, ça ne vole pas haut. Olga, pour sa part, est un stéréotype ambulant ( bien que visuellement intéressante): parce qu'elle revêt du Noir, parce que sa coupe de cheveux est originale, parce qu'elle a des symboles ésotériques sur sa tenue, bref, parce que son look détonne, forcément, c'est une sorcière. Et elle se transforme en chat Noir. C'est tellement cliché. Les autres personnages sont si tertiaires qu'ils en deviennent invisibles.


La couverture est à mon sens le truc le mieux réussi de la BD: elle a plus d'âme et un meilleur coup de crayon. Ça laissait entrevoir un monde sombre, quelque chose de fort, mais bon, nous sommes encore dans les couloirs d'une école normale, avec des petits tracas de collégiens banals et des sortilèges en latin à foison.


Côté graphisme, il y avait de bonnes idées: la résidence semi enfouie sous une forêt à la flore exotique-fantastique, la salle de magie de la grand-mère, l'allure des trois veilles sorcière à l'heure du thé ( joli contraste), vraiment, c'était de bons éléments, mais sans réel scénario ni contexte solide, ça ne sauve pas l'oeuvre au final. le dessin est un peu skecthy, les couleurs débordent, c'est un style un peu brouillon à mes yeux, pas laid à regarder, mais pas minutieux non plus. Les expression des visages sont souvent incohérentes ou difficiles à cerner.


Les dialogues étaient eux aussi assez mornes ou déjà vus et ne sont pas d'un niveau très recherché.


Je remarque que Zora, comme une formidable quantité de personnages féminin, a encore un chaperon animalier en la personne d'Edgar le corbeau. Curieux comme tous les personnages filles de l'univers fanatique et fantasy ont un animal pour "veiller sur elles".
Bref, on reste dans les conventions: l'air marabout et la tignasse noire de Zora ne font guère illusion là-dessus. Mon impression générale est qu'on a mélangé des éléments "Gagnants" tirés d'autres histoires de sorciers avec la structure typique des BD qu'on destine aux jeunes filles, ce qui est une grossière erreur. D'ailleurs, le carnet à la fin aussi est un truc déjà vu: notez "Mauve Bergamote" (2021), "Carnets de Cerise"( 2012), le Grimoire d'Elfie ( 2021) qui en contiennent aussi. Quand je disais que cette Bd reprend des éléments d'autres BD, en voilà un exemple typique.
En somme, je ne suis pas convaincu par cette BD, qui reste beaucoup trop dans les codes plutôt rigides ou empruntés à d'autres oeuvres. Zora ne se démarque pas et ne me semble pas attachante du tout, un peu "vide". le scénario quand à lui ne mène nul part, ce n'est qu'une accumulation de péripéties déjà-lus, sans enjeux de fond ou de contexte clair pour au moins lui maintenir la colonne. Je dirais que cette année, il y a un grand nombre de nouvelles séries et certaines méritent plus d'attention que celle-ci, mieux bâties, plus novatrices, mieux écrites et plus profondes. On oublie souvent qu'une BD aussi peut être profonde tout en étant divertissante. Or, "Les sortilèges de Zora" n'est, à mon avis, ni l'un ni l'autre. Une Bd qui n'exploite pas son potentiel, il me semble.
Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
PS. Si vous voulez une nouveauté réellement intrigante sur le thème sorcellerie: voyez "Grimoire Noir", plus obscure et plus polar, ou la très jolie BD "Lightfall", plus "Magie herboristerie", deux très belles BD jeunesse de 2021. Aussi, "Le garçon sorcière" reste un incontournable dans cet univers.

Shaynning
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le 25 juil. 2021

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