Mirages malsains (ou comment j’ai appris à haïr la pédophilie rampante dans l’industrie du manga)

Comme beaucoup je pense, je suis rentré dans le fabuleux monde de la BD japonaise pour l'incroyable liberté de ton, et l'incroyable diversité de styles que l'on pouvait y croiser. A l'époque (c'est de toute évidence bien moins vrai aujourd'hui), le manga représentait un champ d'exploration tout à fait excitant en comparaison d'une production franco-belge qui me semblait assez terne et redondante (point de vue subjectif et partiel bien entendu et qui n'engage que moi, je précise).


Alors bien sûr, quiconque roule sa bosse dans le manga et l'animation japonaise pendant un certain temps finit par être confronté à un moment ou à un autre à la face plus sombre de la liberté de ton de ces médias, soit l'incroyable tolérance dans ces industries vis-à-vis de ce qui relève de toute évidence de la pédophilie (et à l'incroyable diffusion aussi, des titres concernés, assez divers et ne relevant pas tous, loin de là, du hentai ou du ecchi): (hyper-) sexualisation de très jeunes enfants, représentations complaisantes de relations entre adultes et très jeunes collégien(ne)s, fantasmes autour des jeunes filles / jeunes garçons en uniforme, et j'en passe...Bien entendu, la pédophilie est malheureusement une réalité, on ne saurait le nier, et à ce titre je n'ai pas (a priori) de souci à ce que cette problématique soit traitée avec des pincettes et à travers une présentation extrêmement critique. Il faut également prendre en compte le public visé par la BD montrant de tels éléments: un manga mettant en scène des collégiennes de façon sexualisée sera largement plus acceptable à mes yeux...s'il s'adresse à un lectorat aux alentours de cet âge ; ce sera beaucoup beaucoup moins le cas s'il s'adresse de toute évidence à un public adulte (cf. notamment le titre qui va nous occuper ici, ce Mirages d'été des plus malsains, qui relève de cette catégorie). De même, je précise que les éléments que je décris ici n'ont (mais absolument) rien à voir avec le fan-service à connotation sexuelle de manière générale : que l'on apprécie ou pas, je n'ai aucun problème avec ça tant que les personnages en question sont majeurs (ou tout du moins pas trop loin de la majorité, comme des lycéens), et que cela reste, sinon de l'exhibition consentie, tout du moins dans les limites de la "grivoiserie" (le tout étant rendu plus acceptable par le fait que cela n'implique pas de véritables personnes / acteurs). On n'évoquera pas en longueur ici la thématique du viol, malheureusement également omniprésente dans nombre de productions japonaises...


Comme beaucoup, j'imagine (je le sais même, pour avoir discuté à de nombreuses reprises de ces sujets sur Sens Critique avec d'autres lecteurs / spectateurs), on peut être trop souvent tenté malheureusement de passer outre la répugnance que génère naturellement le sujet chez une personne saine d'esprit et de corps, l'écartant comme un "malheureux incident (choix esthétique...)" qui ne devrait pas suffire à nous détourner du manga / de l'anime que l'on est en train de visionner. Cependant, ces derniers temps, je me suis largement sensibilisé au sujet, que ce soit à travers les discussions évoquées, à travers le fait d'être devenu père moi-même (ça change quand même sacrément notre perspective sur de tels sujets), mais aussi parce que, dernièrement, on peut dire que j'ai été gâté en matière de lectures / visionnages m'ayant mis mal à l'aise...


Ici une liste de ces "rencontres" récentes et déplaisantes (dans des œuvres, je le précise une nouvelle fois pourtant pour la plupart "grand public"):
- le manga Un drôle de père à la conclusion tout simplement dégueulasse: https://www.senscritique.com/bd/Un_drole_de_pere/critique/155645052 ;
- l'anime Made in Abyss qui peut vraiment mettre à l'aise sur ce point: https://www.senscritique.com/serie/Made_in_Abyss/critique/154316815 ;
- chez le même éditeur que ce Mirages d'été, le manga Holiday Junction de Shinzo Keigo dont l'une des histoires flirte clairement avec la pédophilie, d'une façon que j'ai jugée par bien trop complaisante ;
- le thème est également omniprésent chez un auteur dont j'aimais (est-ce que je l'apprécie toujours du coup?) bien les œuvres par ailleurs, Kengo Anazawa, soit l'auteur de I am a hero et de Ressentiment ;
- et bien entendu, après cette longue, mais néanmoins nécessaire, introduction, ce Mirages d'été, d'un certain Kazu Yuzuki, publié chez le Lézard Noir (une maison d'édition pour laquelle j'ai pourtant de l'estime).


Alors, pour remettre les choses en contexte, il s'agit d'un auteur underground, ayant notamment officié dans la célèbre revue Garô, donc s'adressant quasi-essentiellement à des lecteurs adultes. Il s'agit d'un recueil d'histoires "bucoliques" où l'on voit beaucoup de collégiennes s'ébattre, dans toutes les tenues possibles, au milieu de la nature ou dans divers lieux. Le tout peut déjà mettre mal à l'aise étant donné le lectorat auquel est destiné cette lecture...L'auteur a réalisé cette œuvre aux alentours de la cinquantaine ; on peut tout de même, à cet âge, imaginer des passions / une activité un peu plus "saines et constructives" que de dessiner de très jeunes filles dans des positions alanguies...


Mais le clou du spectacle arrive dans un récit intitulé "l'âge d'or" ou l'auteur nous présente, ni plus ni moins, qu'une partouze entre de très très jeunes enfants (début d'école primaire...). Je ne vous cache pas que le recueil m'est dès lors immédiatement et irrémédiablement tombé des mains.


Sans vouloir m'ériger en censeur devant mon ordinateur, je trouve pour autant anormal que des maisons d'édition françaises (ici en l'occurrence le Lézard Noir) publient de telles choses en 2019. L'emballage "manga d'auteur" n'excuse absolument rien. Le dénoncer était à vrai dire le seul véritable but de cette critique. Il va sans dire que je ne conseillerais cette BD à personne au monde au vu de ce que je viens d'exposer.


Pour conclure sur une note plus "constructive", je vous renvoie à l'excellent manga de Toshifumi Sakurai (aka Bargain Sakuraichi), La Virginité passée 30 ans chez Akata, qui met (dramatiquement) bien en évidence la construction de cette "mentalité pédophile" dans une partie de la population japonaise sexuellement frustrée (dont fatalement une partie de la population "geek" et/ou investie dans l'industrie du manga / anime).

Tibulle85
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le 13 mai 2019

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