Is Endo back?
L'auteur de Eden revient avec cette série qui emprunte au Shonen et se démarque par sa qualité narrative et son ton un poil plus mature que les mangas de baston basiques. L'histoire est über...
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le 28 févr. 2012
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Vous aurez beau dire – ou plutôt l’écrire – mais même en agençant sympathiquement la narration, le propos, quand il est frelaté, laisse encore planer une petite odeur. Ah ça, Meguru, c’est un manga qui sait s’écrire et se dessiner finement. Le pathos s’y distille avec un habile sens de la mesure et, ce qui serait intolérable dans toute autre composition, nous apparaît ici comme idoine. Pourtant, à bien y regarder, la course s’entame déjà sur les jantes. Maman est morte, papa est un gangster absent et des voyous, des… des gredins – osons les termes quitte à choquer – viennent emmerder le personnage principal ainsi que son fidèle acolyte, dont nous dirons qu’il est son meilleur ami pour ne pas admettre qu’il est son faire-valoir, et les agressent parce que leur mère est morte.
J’ignore très exactement ce qu’est le Japon pour ne jamais y avoir vécu, mais pour avoir lu TROP DE FOIS, ces histoires de « bullies » qui s’en prennent aux personnages principaux pour des prétextes sans cesse plus spécieux, je me demande si ce pays n’est pas corrompu par le malin. Qui, très sincèrement, va s’en prendre à quelqu’un gratuitement et l’asticoter parce que sa mère est morte ? Si ce n'est moi, j'entends.
Excepté cette entrée en matière maladroite et stupide, All-Rounder Meguru est un manga où s’y exprime la dignité et la pondération à chaque page. Pas de cris, pas de larmes, en tout cas très peu, on nous relate les affres de la scène compétitive telle qu’elle devrait se concevoir ; dans un cadre strictement sportif avec ce que suppose les à-côtés de la vie civile.
Peut-être pourrions-nous, sans que comparaison ne soit pour autant raison, dresser un parallèle avec Touch, manga de sport où on y relate pudiquement le parcours sportif d’un jeune homme. Étant le premier à me lamenter que les mangas sportifs, depuis trop longtemps déjà, s’obstinent à tous se ressembler sur le fond, j’admets que savoir incurver la forme ce qu’il faut pour la rendre présentable suffit amplement à agrémenter la lecture.
Fondamentalement, le principe est le même ; le personnage principal s’initie à un sport, s’y épanouit, rencontre des adversaires et progresse sur son parcours. Toutefois, il n’est point question ici des sempiternels héros de Shônen bruyants et azimutés, mais de personnages crédibles et franchement réalistes dans ce qu’ils exposent. On se retrouve quelque part en eux ; ils ne sont pas que fiction et fonction, l’humanité transparaît d’au-delà des planches : ils existent.
Dès lors où l’on croit en eux, leur parcours est aussi le nôtre tant on souscrit à ce qu’ils sont et à ce qu’ils font. Peut-être que c’est à cela que tient un bon manga de sport après tout, à des personnages que l’on se plaît à suivre car ils nous suggèrent un quelque chose, une envie, un rien de vrai qui fait que s’immerge mieux dans l’œuvre dès lors où on y progresse dans leur sillon. Il existe certes des exceptions au théorème, et la scénographie minutieuse concourt pour beaucoup à l’affection que l’on peut porter au présent manga.
All Rounder Meguru n’est pas seulement écrit avec réserve et scrupule, mais aussi dessiné en ces mêmes termes. Si bien que… sans en établir la parenté, l’instinct, sinon ma conscience, m’enjoignit à me renseigner davantage sur qui était son auteur. Il y a alors de quoi être dans ses petits souliers, Hiroki Endo n’est rien moins que l’auteur de Eden, It’s an Endless World. Un manga que j’ai assurément rudoyé du bout de la plume – et à dessein – mais dont même la pire mauvaise foi, dont je suis parfois coutumier, ne s’accorderait à reconnaître qu’il n’était pas un auteur talentueux. Voilà un homme qui sait écrire et accorder son trait à sa prose, un auteur complet comme il s’en fait peu, qu’on sait méticuleux dans ses ouvrages. Ce n’est pas tant son dessin qui m’a mis la puce à l’oreille quant à son style – car je ne l’avais pas reconnu pour l’avoir lu il y a longtemps – mais le sens du scrupule qui s’en dégage. Sans l’avoir vu œuvrer, on devine, mieux… on sait qu’il se sera attardé longuement sur le papier avant qu’il n’eut achevé de nous faire parvenir ce qu’il avait en tête.
Maître du calme et de la furie, il harmonise les deux pour donner lieux à des séquences houleuses où chaque mouvement et position trouve sa juste place pour aboutir à un rendu méthodique, dépassionné mais débordant d’une fougue qu’on sait maîtrisée. L’homme-là pourrait vous mettre le chaos en bouteille pour peu que vous le laisseriez faire avec un crayon noir.
En dépit de ses mérites, All Rounder Meguru m’indispose pour ce qui tient à sa trame. Une histoire de vengeance contre des yakuzas, un « je veux devenir plus fort » même lorsque cela est bien amené, pave trop facilement la voie aux poncifs. Sans être non plus totalement désintéressé de ce qu’on me promet là, je n’en attends rien. Et c’est heureux, car, sans offense faite à son auteur, c’est ce que j’obtiendrai peu ou prou.
Le présent manga déroge aux écueils habituels alors que Meguru connaît quelques rudiments de combats lorsqu’il se lance sur la piste, sept ans après le premier chapitre. Takashi, bien qu’investi d’une mission, est cependant trop ténébreux pour qu’on ne puisse pas s’en exaspérer. Mais la flamme d’une rage ardente, au gré des années qui passe, perd en intensité à moins qu’on ne l’attise chaque jour. Vouloir se venger ne signifie pas que l’esprit d’un homme ne soit plus seulement tourné vers ce seul objectif, à rester implacablement rivé sur cette lubie durant sept années à ne penser à rien d’autre.
Si vous-mêmes avez à cœur de venger la mort d’un être aimé, sachez que cela ne vous exonère pas d’une vie sociale prospère. On peut aller au boulot, faire son barbecue du dimanche et lancer une partie de Minecraft entre deux assassinats de Yakuza à mains nues. Sachez vous ménager quelques plaisirs simples au milieu des homicides, votre quête sanglante n’en sera que mieux agrémentée.
All Rounder Meguru est peut-être le manga de combat à même de mieux détailler, même disséquer, chaque technique qui s’y profile, et sans jamais que les explications ne soient intempestives ou malvenues. Avec une maîtrise équilibrée de son récit, Hiroki Endo entremêle intelligemment la narration et l’exposition des phases de combat pour en exacerber leur valeur mutuelle. Le fait que la scénographie s’abstienne de tout effet graphique tapageur pour encenser un coup plus que de rigueur ne crédibilise que mieux l’action qui, sans ça, trouve sans moyen le moyen de nous être plaisante à l’œil ainsi qu’à la cervelle.
Comme on pouvait s’y attendre, la scène de tout ce qui entoure le milieu a été abondamment documentée pour nous être ensuite rapportée pour ce qu’elle est. L’immersion n’en est alors que mieux facilitée.
Puis, parce que cela est le lot de tous les mangas traitant de la discipline sportive du combat, à une exception près, aussi spectaculaire que notoire, le manga trouve son rythme de croisière. Une fois tous les protagonistes, compétition masculine et féminine confondues – ce qui est une assez bonne addition, il faut le reconnaître – les jours se suivent et se ressemblent en dépit d’un récit qui, s’il est agréable, ne se contente justement que d’être agréable. La fatale itération des combats qui s’enchaînent finit par lasser. Ils sont méthodiques, mais une fois la magie des premiers affrontements passés, en lecteurs ingrats, on se navre qu’il n’y ait finalement pas davantage à offrir. Les amateurs de sports de combat ne bouderont certainement pas leur plaisir alors que l’œuvre va assurément au-delà de ce dont était capable un Hajime no Ippo, tout en restant très en-deça d’un Coq de Combat, simplement inégalable dans ce registre – et peut-être d’autres encore.
J’en déduis, car il le faut alors que vient la conclusion, qu’un manga sportif, s’il s’en tient à la formule classique, peut être correct ou même plaisant ; mais qu’il lui faudra un supplément d’âme pour valoir une véritable reconnaissance. Ping Pong, Zero, Shamo et Slam Dunk sont quatre exemples disparates de ce qui fait un bon manga sur le sport, à savoir un manga qui, justement, ne traite pas que de ce sport et, qui lorsqu’il l’aborde, le fait avec un sens de la mise en scène et un dessin tel qu’on ne peut pas passer à côté même à le souhaiter. All Rounder Meguru est propre, cadré, méthodique, pareil à une machinerie bien huilée sachant ce qu’elle fait. Mais comme toute machine, elle s’en tient à son programme et ne s’essaye jamais à l’originalité afin de ne pas déroger à ses attributions. Cela est à mettre à son crédit autant qu’à son débit, car la machinerie Meguru, si jamais elle ne s’égare, se retient cependant de trop sortir des sentiers battus.
Créée
le 21 juin 2025
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le 28 févr. 2012
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Tome 1 : Très bon premier tome d'intro, où l'on reconnaît bien le style de l'auteur. Un peu trop même, puisque Takashi me fait trop penser à Kenji d'Eden, d'autant plus avec la fin dans laquelle il...
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le 25 mars 2012
Du bon shonen comme je les aime. - Un shonen sur les arts martiaux (plus spécialement le dernier sport à la mode, le MMA) - Un dessin agréable et réaliste dans la construction de ses planches - Un...
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le 22 avr. 2012
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