Karen Reyes, dix ans, vit avec sa mère et son frère dans un appartement en sous-sol d’un immeuble de Chicago. Un 14 février, une de ses voisines est retrouvée morte, la police conclut à un suicide. Mais ce matin-là, Karen a bien vu une ombre dans l’appartement d’Anka, elle est persuadée que sa voisine a été assassinée. Elle va dès lors mener l’enquête de son côté, remuant les secrets de l’immeuble pour résoudre cette sombre histoire.
En ouvrant ce roman graphique, dépassez vos préjugés. Ne vous fiez ni au graphisme inattendu, ni au trait de stylo bille, ni à la colorisation particulière, ni à l’absence de repères habituels en BD, ni au titre. Car oui, cette BD est un pur chef-d’œuvre ! Voyant tous les éloges qu’elle suscitait, je suis partie méfiante, réticente, presque agacée d’avance. Et les premières pages me donnaient raison, l’ambiance est étrange, trouble, on ne comprend pas tout, c’est fantastique ? Réaliste ? Mais c’est quoi cette chose ?!
Et puis, passées les quinze, (vingt ?) premières pages particulières qui posent le décor et la psychologie de Karen, je me suis retrouvée transportée. Prisonnière de ces 416 pages que je me suis enfilée d’un seul coup.
Nous avons ici trois niveaux d’histoires imbriquées les unes dans les autres. Le texte est avant tout le journal intime de Karen (ce qui explique les pages version feuille à carreau d’écolier et l’absence totale de bulles ou cases en tous genres), une jeune fille mal dans sa peau, harcelée à l’école, qui souhaiterait être un monstre pour disparaître dans la nuit. On suit sa vie au quotidien, ses échanges avec sa famille, sa relation avec son frère, les autres élèves de sa classe, sa passion pour l’art et les bizarreries.
La seconde histoire est l’enquête même que mène Karen. Car l’une de ses voisines est décédée mais malgré ce qu’en pense la police, Karen est persuadée que ce n’est pas un suicide. Qui aurait pu tuer Anka, sa belle et douce voisine ? Et surtout, pourquoi ?
Quant à la troisième partie de l’histoire, elle nous présente la vie d’Anka, sa jeunesse dans l’Allemagne nazie, sa fuite jusqu’aux États-Unis.
Je n’en dirai pas beaucoup plus sur l’histoire, ce serait dommage de trop en dévoiler. Sachez juste que ce roman graphique est gorgé de thématiques extrêmement intéressantes (la famille, l’Art, la tolérance, l’identité, l’ouverture d’esprit, la résistance, etc.) toutes traitées avec justesse et profondeur. Le texte est tour à tour drôle, touchant, grave, fascinant, sensible, intelligent.
Quant au graphisme, s’il peut paraître étrange, disproportionné, voire laid, pour certains habitués à des traits plus classiques (des graphismes à la Lepage, Andreae ou Tarquin), il est en réalité parfait pour l’ambiance et la psychologie des personnages. Plus l’histoire avance et moins l’on y prête attention tant il est pertinent et réfléchi. Le travail d’Emil Ferris au stylo bille apparaît vite comme incroyable et impressionnant, plein de détails et de sous-texte. La lecture est peut-être moins intuitive ici que sur une BD ou un comics classique mais on s’y adapte très vite à la lecture, comprenant qu’il n’y a plus vraiment de code et que c’est nous qui déterminons l’ordre et le sens de lecture pour certaines planches.
Moi ce que j’aime c’est les monstres est un roman graphique exceptionnel, sombre et haletant, qui parcourt avec brio les méandres de la psychologie humaine. Mélange de sociologie, d’historique, d’humain, de policier, c’est une BD complète et extraordinaire. En refermant ce roman graphique, on sait que l’on vient de lire une œuvre majeure. Reste à espérer que la seconde partie sera toute aussi dense et exceptionnelle !
À lire, à relire et à faire découvrir !


https://leschroniquesviennentdemars.wordpress.com/2019/01/18/bd-moi-ce-que-jaime-cest-les-monstres/

DameDePique
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le 18 janv. 2019

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