Delphine de Vigan est venue s'asseoir sur la scène de l'Autre Canal en compagnie de l'animatrice, de la (phénoménale) traductrice et d'Emil Ferris, qui a posé sa canne et retiré son immense chapeau de sorcière. Il semblait implicitement convenu entre les quatre que l'aînée, la nouvelle, la plus excentrique mènerait le jeu. Elle l'a mené et elle l'a joué!


Elle a spontanément répondu à des questions qui taraudent forcément à la lecture de son pavé : oui, les personnages sont inspirés par des gens qu'elle connaît ou a connus, des "crazy people" qui risquent de se reconnaître! Mais le livre est aussi irrigué par ses propres expériences, les bêtises qu'elle a faites dans sa jeunesse tout en se disant que ça lui servirait un jour pour sa carrière - drogues, sexe - désolée pour ceux qui ont amené leurs enfants ! D'ailleurs à l'époque, il n'y avait pas beaucoup de choix - femme au foyer, nurse, institutrice ou secrétaire - mais elle avait bien remarqué une cinquième catégorie de femmes rétribuées...


Elle n'était pas non plus dénuée d'arrière-pensée lorsqu'elle a écrit son roman graphique : ne pourrait-il être un "magic spell", un sort qui donnerait aux gens l'impulsion de réaliser ce qu'ils ont envie de faire? Ca, ou le fait de voir quelqu'un se lancer dans la bédé à 57 ans...


Delphine (de) Vegan lui a demandé si elle connaissait une souffrance physique lors de l'écriture. Elles portent toutes deux les traces de leurs maux passés - Ferris qui est entrée dans la vie atteinte d'une scoliose, puis qu'une piqûre de moustique a paralysée à 40 ans, Vigan qui a été anorexique... Il fut plutôt question d'épuisement mental, et de difficulté à se concentrer sur la tâche quand un inspecteur des impôts venait vous demander de vérifier toutes vos fiches de paie... De sa fille lui demandant "Pour quel personnage tu pleures aujourd'hui?"... De l'enfermement à travailler 16 h par jour en "mangeant les haricots dans la boîte", sans se laver, sans faire le ménage (shocking!), l'entourage se demandant si vous êtes morte, et réémergeant un jour dans l'agressive lumière du soleil en ayant envie de toucher les passants après tous ces jours de solitude, non sans avoir pensé à jeter une narine sous son aisselle avant de sortir au cas où...


"Oui, je suis un monstre, d'ailleurs ne vous fiez pas à ce que vous voyez, je suis un loup-garou! Pendant des années, j'ai essayé de régler ce problème de pilosité et puis j'ai arrêté...De temps en temps, ma fille me demande de l'accompagner chez Sephora pour acheter une crème cosmétique... Mais à l'intérieur, je suis un monstre!"


En sortant, j'ai remarqué que c'était la pleine lune. Promeneurs du soir, rentrez vos caniches !

ChatonMarmot
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le 14 sept. 2019

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ChatonMarmot

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