Séduit par le travail de Jérémie Labsolu, Run contacte l’artiste avec l’envie pressante de travailler avec lui : plusieurs discussions s’ensuivent et bientôt le créateur de Mutafukaz décide de laisser carte blanche à son compère pour un spin-of de son univers,



détaché du réel et présenté comme une near death experience du personnage principal



qui dévoile alors quelques tranches de son passé et met en lumière l’intensité de l’amour qu’il porte à sa belle. Meta Muta est un petit bijou de bande-dessinée noir et blanc



entre cauchemar et fantasmes,



une œuvre qui vient sublimer l’univers de Mutafukaz et creuser quelques sillons que Run ne prend pas le temps d’explorer, en pénétrant le personnage principal plutôt qu’en suivant linéairement ses aventures.


Jérémie Labsolu part d’un flingue sur la nuque de Lino, le héros au visage happé par le noir absolu de sa peau, pour développer un voyage dans l’inconscient du personnage qui part explorer sa naissance et quelques bribes de son enfance dans les bras d’une mère adepte du dégoupillage de grenades explosives, en les confrontant à ses angoisses présentes, à son amour pour la belle Luna, si immense qu’il en inonde la ville entière de flots de sang, et à son indéfectible amitié pour Vinz, tête de flamme, écrasé sous ses yeux et sans lequel il ne sait plus comment avancer ni quoi faire pour atteindre son but : débarrasser la terre de cette flopée d’aliens hostiles et envahissants camouflés parmi les hommes.



Le noir et blanc semble définitif,



expression brute, presque violente, de traits cassés, de lignes abruptes, de dynamiques chaotiques puissantes et où l’action dit l’être en caractères secs. Le montage très dynamique de ce scénario d’allers-retours sans transition d’un passé délité à un présent improbable, onirique ou fantasmé, joue parfaitement la confusion narrative. Entre délire fantasmatique et réalité crade, glauque et oppressante, le lecteur est submergé par l’urgence du récit grâce à l’art étalé de cette



impression de tension constante, abrasive.



One-shot qu’il est possible d’aborder sans préalablement connaître Mutafukaz, Meta Muta est une excellente surprise de la bande-dessinée hexagonale, qui sait emprunter autant aux influences du manga qu’à celles du comics américain pour créer un style total, quelque chose d’extrêmement novateur, tension pesante dans



un ouvrage aussi chargé qu’aérien.



Exploration onirique des recoins sombres de la psychologie du personnage, l’ouvrage prend la forme d’une expérimentation autant graphique que scénaristique qui amène au neuvième art les principes distendus et distordus de narrations psychologiques aux élans métaphysiques, avec brio. Sur fond de culture urbaine contemporaine, le poids du contexte de l’univers originel en décor lointain s’efface pour creuser avec talent les démons banals de l’existence, invitant alors le lecteur à s’immerger dans le récit autant qu’à affronter ses propres pulsions inconscientes.
Intensément percutant.

Matthieu_Marsan-Bach
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Label 619 et Les meilleures BD éditées par Ankama

Créée

le 17 juil. 2017

Critique lue 324 fois

1 j'aime

Critique lue 324 fois

1

D'autres avis sur Mutafukaz : Métamuta

Mutafukaz : Métamuta
Matthieu_Marsan-Bach
8

Psycho Trip en Uppercut Saillant

Séduit par le travail de Jérémie Labsolu, Run contacte l’artiste avec l’envie pressante de travailler avec lui : plusieurs discussions s’ensuivent et bientôt le créateur de Mutafukaz décide de...

le 17 juil. 2017

1 j'aime

Mutafukaz : Métamuta
MisterD
6

Critique de Mutafukaz : Métamuta par MisterD

Je suis un grand fan du travail de Run sur Mutafukaz, son style, se mélange entre comics et manga, ce scénario complétement barré. Cette lecture de l'univers par Labsolu m'a moins convaincu, déjà...

le 28 juin 2012

Du même critique

Gervaise
Matthieu_Marsan-Bach
6

L'Assommée

Adapté de L’Assommoir d’Émile Zola, ce film de René Clément s’éloigne du sujet principal de l’œuvre, l’alcool et ses ravages sur le monde ouvrier, pour se consacrer au destin de Gervaise, miséreuse...

le 26 nov. 2015

6 j'aime

1