Opus, tome 1
7.8
Opus, tome 1

Manga de Satoshi Kon (1995)

Opus ça te scie, con'! (:honte:)

Opus, Satoshi Kon.

Je ne vais pas vous mentir, Opus est une œuvre inachevée ! Et parlez d’une œuvre inachevée est délicat, surtout lorsque celle-ci est intéressante.
Opus laisse ainsi une forme d’amertume, même si ici la conclusion n’est pas une fin en soit…
Je ne peux que difficilement en dévoiler plus sur ce sujet sans révéler sans vergogne comment l’auteur s’en est tiré pour offrir une porte de sortie à ses personnages, et aux lecteurs.
Opus est donc un manga en deux volumes écrit et dessiné par Satoshi Kon.
Il était surtout connu comme un des maîtres de l’animation japonaise moderne à l’image de ses maîtres et pairs que furent Katsuhiro Otomo (avec qui il partage un chara disign fort ressemblant !) et Mamoru Oshii.
J’en parle à l’imparfait car Satoshi Kon est mort en 2010 des suites d’un cancer du pancréas fulgurant ; il laisse malgré tout une œuvre dense et profonde, saluée par la critique internationale, et dont la principale thématique reste la réalité subjective, à savoir la faculté et la conscience qu’à l’homme de juger et connaître sa propre réalité (se conçoit essentiellement par opposition à la réalité objective, scientifique et concrète). Thématique qui trouve donc un écho récurrent dans presque toutes ses œuvres, et que vous pourrez découvrir dans nos collections grâce aux films d’animations Perfect Blue et Millenium Actress, ou son chef d’œuvre Paprika.
Opus commence donc par une scène en cours, où l’on suit trois des principaux acteurs de cette histoire, dans l’ordre : Satoko Miura (jeune policière télépathe) ; le Masque (Gourou de l’Eglise du Grand Rassemblement aux puissants pouvoirs surnaturels) ; et Rin (un jeune chef de Gang ami de Satoko, aux capacités Psy rivalisant celles du Masque).
Il s’agit en fait de la présentation des dernières planches de la série Résonnance du mangaka Nagai à son éditeur, où il montre Rin et le Masque dans un combat débouchant sur une annihilation mutuelle.
On pourrait dès lors avoir l’impression que ce manga traite du job de mangaka, d’ailleurs beaucoup des difficultés de ce boulot y sont abordées : les cadences infernales, les délais, les sondages, la production des épisodes en flux tendu, et le manque de sommeil, etc…L’ensemble jouant sur la qualité artistique de l’œuvre, Nagai l’avouant lui-même à son assistant, lorsque ce dernier lui donne le dessin d’une bouche d’aération dans un décor, qu’il juge trop présente et réaliste : p.18 : « De toute façon, personne ne fait attention au décor ».
C’est l’élément qui va faire basculer l’histoire, lorsque Rin va surgir de cette bouche et piquer à Nagai le dessin de sa mort…
C’est ainsi que le sujet bascule, que la réalité se trouble, que ses contours se floutent, et que l’auteur devient acteur de sa propre création. S’il attribue son irruption dans le monde de Résonnance, dans son œuvre, à la fatigue et au rêve, très vite la véracité des évènements qui se déroulent autour de lui, la tangibilité physique et émotionnelle de Satoko, mais aussi celle de la destruction dû aux pouvoirs du Masque, le ramène à cette nouvelle réalité, celle de son œuvre.
Le déroulement de l’histoire est cette prise de conscience de son rôle de créateur, l’influence qu’il va avoir sur des personnages dont il a déjà écrit la vie, et leur volonté de sortir de la réalité qui leur a été imposé, d’échapper à leur sort. C’est plutôt jouissif, traité avec beaucoup d’humour, alors que le sujet en lui-même est sérieux, puisque c’est de l’existence même d’une réalité dont il est question.

En lice pour Angoulême 2014, cette métafiction (« une forme d'écriture autoréférentielle qui dévoile ses propres mécanismes par des références explicites ») mérite plus qu’amplement de s’arrêter dessus. Le fait qu’elle soit inachevée par la force économique des choses, n’enlève rien à sa force d’évocation, à l’attrait des personnages, la qualité du sujet traité, et son trait expressif. A l’image d’un Philip K Dick (en moins dépressif et plus humoristique) la notion de réalité et ses contours, son observation, son analyse, son ressenti, sont questionnées brillamment par Kon, mais aussi la mise en abyme (procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre du même type), toutes ses réflexions proposent un voyage déroutant, humoristique et brillant dans le processus créatif d’un mangaka, et finalement la place (la réalité) du créateur lui-même et de la réalité qu’il crée.
Cosmoclems
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le 31 janv. 2014

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