Ceux qui ont lu l'excellent (pour ne pas dire indispensable) "Petit Livre Beatles" du même auteur y retrouveront certaines anecdotes, agrémentées d'autres, le tout lié en un véritable récit: celui de la difficile transition de McCa vers une carrière solo.
1969 commence plutôt bien pour le bassiste gaucher: il est le dernier des Beatles à se marier (avec la photographe Linda Eastman) et devient papa. Mais il est aussi le dernier des Beatles à croire en l'avenir du groupe: quand ses camarades décident d'aller jouer ailleurs, chacun de son côté, c'est la dégringolade, après 10 années intenses. Très déprimé, Paul se réfugie avec sa famille dans sa ferme écossaise de Kintyre, au confort sommaire, loin de tout. Il laissera même courir pendant quelque temps des rumeurs sur sa mort, avant de réagir et de citer Mark Twain, en déclarant aux journalistes que ces rumeurs "sont très exagérées". Après cette retraite, que faire, sinon se remettre au boulot et écrire des chansons ?
Hervé Bourhis souligne le rôle joué par Linda McCartney (1941-1998), décriée à l'époque de manière totalement gratuite, qui, à peine mariée, se retrouve avec un époux complètement à la dérive: son soutien indéfectible sera capital pour aider Paul à remonter la pente, au point qu'il en fera également sa partenaire à la scène, aux claviers, rôle dans lequel elle mettra un moment à se sentir à l'aise.
McCartney repart donc à zéro: il forme un nouveau groupe à géométrie variable, Wings, pour l'accompagner, part en tournée dans les universités anglaises et refuse pendant des années de jouer des morceaux des Beatles. La critique descend ses nouveaux albums ? Peu importe, il s'acharne et remporte enfin un succès public et critique avec "Band on the run" (1973), que même John Lennon, souvent caustique, qualifie de "grand album" ! C'est dire ! L'enregistrement à Lagos (Nigéria), qui n'a rien d'une carte postale, est l'occasion d'un séquence épique, où s'invite le tout-puissant Fela Kuti, presque menaçant avant de se montrer cordial.
Si l'histoire est déjà captivante, le dessin est lui aussi remarquable: très pop, plein de couleurs pétantes, dont beaucoup de rose fluo, il atomise souvent la structure classique des cases pour former des pages foisonnantes mais toujours lisibles. Les portraits sont généralement ressemblants, parfois un peu moins, mais ce livre formidable fonctionne toujours ! Erudit, plein d'humanité, "Paul" donne évidemment envie de se replonger dans les débuts de la carrière solo de McCartney, qui n'a pas cessé de composer depuis.