Punk Rock Jesus
7.6
Punk Rock Jesus

Comics de Sean Murphy (2012)

Punk Rock Jesus, comics de 300 pages en noir et blanc scénarisé et dessiné par Sean Murphy, est un monument.


Un monument graphique, tout d'abord, avec un pur noir et blanc bien sale comme je les aime, même si on sent bien que les premiers chapitres étaient pensés pour la couleur. Moi qui trouve généralement le travail du maître déformé par la colorisation (The Wake, c'est à toi que je pense), je ne peux que me réjouir d'apprécier la finesse dans le rendu des émotions et le ressenti qu'arrive à transmettre Sean Murphy avec son découpage dynamique et ses planches ultra-détaillés. De ce coté là, je pense que tout le monde est d'accord.


Mais bon, pour une bonne BD, des jolis dessins et un bon découpage, même si c'est déjà beaucoup, c'est pas suffisant. Il faut de la matière derrière. Et Punk Rock en a à revendre, de la matière.


Déjà, un postulat de base qui déchire sa maman au couteau à pain : dans un futur proche (les anées 2020~2030 environ), un (adorable) monsieur du nom de Rick Slate décide, en bon chrétien qui se respecte, de cloner Jésus Christ avec l'ADN du suaire de Turin, de filmer sa vie en émission de télé réalité mondialement diffusée, et accessoirement de sa faire un paquet de pognon (très accessoirement, bien sur...) Pour moi, ce concept couillu fort bien exploité est un des principaux facteurs expliquant le succès du comics, étant très accrocheur (racoleur, diront les mauvaises langues)


Ainsi, les différents "personnages" de la télé réalité sont ainsi, Gwen, la "vierge Marie", jolie fille un peu niaise, Thomas McKael, le responsable de la sécurité accompagné de son side-kick rigolo, et Sarah Epstein, la scientifique écolo qui veut sauver la planète. Je vous présente les choses caricaturalement, car c'est le choix que va opérer Murphy au début de son bouquin, en mettant le lecteur à la place du spectateur, avant de lever le voile sur les dessous de J2 (le nom de la télé réalité) et de nous montrer les humains derrière les personnages, comme Thomas, qui se révèle être un ancien terroriste de l'IRA en quête de rédemption.


Ainsi, si la première moitié se concentre plus sur les relations qu'entretiennent Thomas (le comics vaut le coup rien que pour ce monsieur) et Gwen, résultant sur un évènement tragique que je tairais par pudeur, la seconde moitié nous raconte l'adolescence mouvementée de notre petit Jésus en herbe, qui s'enfuit de J2 pour fonder un groupe de Punk anti religieux (c'est un peu un pléonasme, mais je préfère insister sur ce point), traumatisé par ce que la ferveur chrétienne américaine démente lui a fait subir). Cette deuxième partie est encore plus belle que la première, elle conclut grandiosement le bouquin et elle apporte beaucoup au propos de l'oeuvre.


En effet, on ne va pas se mentir, c'est, plus que par sa portée émotionnelle puissante, par son message qu'il transmet que Punk Rock Jesus m'a profondément bouleversé et même transformé. Vous l'aurez peut être compris (même sûrement), Murphy dresse le dur portrait d'une société américaine grangréné par la religion, les médias et le capitalisme (je pense ici à Rick Slate, l'instigateur de J2 et le plus grand enfoiré de l'histoire des enfoirés), mais il parle aussi un peu d'éducation, d'écologie, de science, etc... même si ce ne sont pas ici les principaux sujets du comics. De plus, Murphy, avec sa grande finesse d'analyse, nuance habilement son propos pour éviter de chûter dans l'anti-religieux primaire, par une habile polyphonie : Sean Murphy prend, tel Jonathan Hickman, le soin de ne pas apporter de réponses finies mais plutôt d'amener à la reflexion en nous montrant des personnages tous attachants (sauf Slate, le plus grand connard de l'histoire des connards) aux convictions parfois contradictoires.


Ainsi, nous voyons bien que, malgré l'estethique Punk que dégage la seconde partie du comics, Punk Rock Jesus a bien d'autres qualités à offrir et qu'il serait bien dommage de se priver d'un tel monument pour cela.


Sur ce, lisez Punk Rock Jesus, et n'oubliez pas :


God Bless America !

Connarr_Gaillarr
10

Créée

le 1 déc. 2015

Critique lue 314 fois

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