Premier volume d’un très beau coffret du réel regroupant trois ouvrages d’Étienne Davodeau, Quelques Jours avec un Menteur est une fiction effectivement ancrée dans le réel, contemporaine de par son contexte autant que dans son approche faussement distanciée de la réflexion sociétale. Le pitch est simple, et l’intrigue secondaire seule apporte l’angle d’interprétation de



l’apparente vacuité du récit :



cinq potes, la trentaine passée, s’échappent de leur quotidien pour partager ensemble une semaine de calme repos et de franche fraternité légère dans la maison de l’un d’eux, au cœur du Jura.


Avec un découpage en chapitres quotidiens, Étienne Davodeau livre une forme simple et directe de journal de vacances où le récit semble exhaustif quant à l’abandon hédoniste, sans scandale, des cinq amis réunis là. Mais derrière



l’ambiance de farniente adéquate,



l’auteur installe doucement mystère et tension par touches infimes, échappées d’informations radiophoniques, à travers de petites scènes inattendues, irruption inopinée des gendarmes au cours d’une soirée arrosée, et jusque dans le détail accrocheur de cet arrière-plan socio-artistique qui s’impose doucement. Insidieusement la mécanique terroriste de l’ouvrage clique ses percées apparemment sans incidence pour venir enrichir les silences entre les hommes : peu à peu les relations entre les cinq amis se tendent, les non-dits, les frustrations, les combats internes se font jour. La résolution finale, comme le regret toujours de n’avoir pas assez profité des vacances, laisse sur sa faim. Pourtant tout est dit. Mais comme



à chaque épisode de vie, là où certaines choses se sont laissées décrypter,



d’autres à venir s’évanouissent.


Le travail en noir et blanc d’Étienne Davodeau semble un peu brouillon dans l’ensemble : portraits comme précipitamment croqués, trait un poil gras et simplification parfois à l’essence des décors. Pour autant, la narration est dynamique et fluide, permet l’immersion. La première impression finit de céder : le trait riche est précis sur les corps, les décors se font sauvages pour dire l’errance des personnages, et les jeux d’ombre et de contraste, parfois schématiques, jouent pleinement leur rôle d’horloge au ciel de l’histoire.


Quelques jours avec un Menteur interroge sur ce qu’on livre aux autres de soi, aussi proches soient-ils, et vient là sublimer



la puissance derrière la fragilité des confessions,



rappeler qu’au-delà de l’extérieur, vaste et lointain, les premiers fondements d’une vie sociale épanouie résument à se faire confiance sans jamais négliger le soutien de ses véritables amitiés.

Matthieu_Marsan-Bach
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le 2 nov. 2017

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