Dans les contes pour enfants, l'ironie ne profite pas souvent aux créatures à peau verte


Mon cœur, on me l'a pris quand on a tué les miens. Tout ce que j'ai arraché à la vie depuis, ce ne sont que des morceaux de justice.




La vengeance est un plat qui se mange très très froid !



Olivier Peru nous propose le huitième opus de la saga "Orcs & Gobelins" sous le titre évocateur de "Renifleur". Cette nouvelle aventure, éditée par Soleil, nous replonge dans l'immense et fascinant univers des Terres d'Arran. Il s'agit d'une épopée d'héroïc-fantasy d'une richesse surprenante, enrichie par une galerie de titres dérivés tout aussi passionnants, tels que "Elfes", "Nains", et "Mages". Dans ce huitième tome, l'auteur nous plonge au cœur d'une histoire de vengeance, une vengeance préparée avec une patience glaçante. L'expression "la vengeance est un plat qui se mange froid" prend tout son sens ici, car elle incarne parfaitement le sentiment qui anime le protagoniste de cette histoire, "Renifleur".


Au fil des pages, nous suivons le parcours d'un être réduit en esclavage, un gobelin, dont la vie a été détruite par la famille royale de Rosken, que le plus jeune fils du Seigneur, "Nyrrad" va adopter pour en faire un chien de chasse. L'injustice et la cruauté qu'il a subies sont si profondes que seule la vengeance semble capable d'apaiser sa douleur. Mais ce n'est pas une vengeance précipitée, brutale ou impulsive par la colère. Au contraire, elle est méticuleusement préparée, calculée et exécutée avec une froide détermination. Seulement, le jeune Seigneur développe une relation d'amitié avec son chien de chasse, qui évolue progressivement vers une relation fraternelle. À tel point que, au fil des années, la famille royale va établir également un lien plus étroit avec le gobelin. Renifleur, par sa persévérance et sa détermination à obtenir justice, gagne peu à peu leur respect et leur acceptation.


Cette évolution des relations entre les personnages montre que la vengeance peut parfois être un chemin vers la réconciliation, bien que ce soit un chemin ardu et semé d'embûches. L'une des questions centrales de cette histoire est celle du pardon versus la vengeance. Renifleur, malgré sa soif de revanche, est confronté à un dilemme moral. Est-il préférable de pardonner et de laisser le passé derrière soi, ou bien est-il juste de chercher à rendre la douleur infligée à sa famille ? La question dramatique aurait pu revêtir une pertinence et une profondeur réellement remarquables si le récit avait été construit de manière habile. Malheureusement, cette construction adéquate fait cruellement défaut dans ce cas précis.



Tout ce qui compte dans un combat, c’est pas de donner le premier coup mais le dernier.



Cette bande dessinée ne mérite pas d'être catégorisée comme mauvaise, mais elle souffre d'un problème flagrant de prévisibilité qui nuit à son potentiel. Cette question est particulièrement problématique compte tenu du fait que l'auteur a construit tout son récit autour du mystère entourant un tueur énigmatique qui décime progressivement la famille royale. L'intrigue se concentre sur cette identité cachée, alors même que le lecteur est conscient, dès le début, qu'il s'agit du gobelin, chose que l'auteur essaye de cacher. Ce choix narratif pose un dilemme majeur, car il nous entraîne dans une quête futile pour démasquer un assassin qui, en réalité, n'a jamais existé en tant qu'entité distincte, dès lors que nous savons pertinemment qu'il s'agit du personnage principal. Cette stratégie narrative dilue le suspense et l'excitation que Olivier Peru cherchait à créer, laissant le lecteur désillusionné et peu investi dans la résolution du mystère.


Ce problème s'étend également à l'acte final de l'histoire, qui se déroule dans une grotte énigmatique se trouvant dans les hauteurs d'une montagne glacée. Le chef de la famille royale et son armée s'engage dans une mission désespérée pour sauver le jeune frère du nouveau Seigneur, le maître aimable et attentionné du gobelin. Pourtant, il devient manifeste que l'affection du gobelin pour son maître est insignifiante en comparaison de sa quête de vengeance, et cela se confirme tragiquement à travers une séquence particulièrement impitoyable. En rétrospective, il est regrettable que cette histoire n'ait pas été assumée dès le début du récit en mettant clairement en avant les tentatives du gobelin pour assouvir sa vengeance. Cette approche aurait éliminé la nécessité de longues phases de mystère qui finissent par perdre de leur intérêt, car le lecteur a déjà résolu l'énigme avant la fin. Une narration plus directe aurait pu permettre d'explorer plus en profondeur les motivations et les émotions du gobelin, créant ainsi une expérience plus captivante et émotionnelle pour le lecteur.


Les illustrations de Giovanni Lorusso pour l'univers des Terres d'Arran sont plutôt ordinaires. Le trait n'est jamais disgracieux, mais nous avons été habitués à mieux, notamment en ce qui concerne les décors qui, dans cette œuvre, manquent de détail, de richesse et d'extraordinaire, ce qui est surprenant pour un univers aussi riche. En ce qui concerne l'apparence physique des personnages, le constat est semblable : Renifleur et les autres personnages manquent de caractère dans leurs traits, bien que dans l'ensemble, leur dessin soit plutôt soigné, mais un peu trop lisse. En ce qui concerne la colorisation de J. Nanjan, elle est également un peu limitée. Elle n'est pas mauvaise, mais semble quelque peu terne, malgré quelques tentatives de filtres bleutés.



CONCLUSION :



Orcs & Gobelins, tome 8 : "Renifleur", aurait pu être une bande dessinée plus puissante et engageante si elle avait opté pour une approche narrative moins prévisible, mettant en lumière les motivations du personnage principal dès le départ, au lieu de jouer sur un mystère qui n'était pas aussi mystérieux qu'il aurait dû l'être. Un album qui méritait mieux, surtout de la part de Olivier Peru, c'est dommage.


Ni médiocre ni excellent.



Ma famille, mon clan... Tout cela n'existe plus. La piste qui me mène vers eux est froide... Elle est morte avec les miens. Tout ce que j'ai maintenant, c'est une cage. Et des souvenirs douloureux.


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