Il existe des bandes dessinées qu’on lit pour leur histoire, et d’autres qu’on contemple pour leur dessin. Requiem, Chevalier Vampire appartient résolument à la seconde catégorie. J’ai acquis cette série avant tout pour les illustrations d’Olivier Ledroit, et je ne le regrette pas : visuellement, c’est un véritable festin baroque, une orgie de couleurs, de détails, de textures et de démesure. Chaque planche est un tableau gothique, chaque personnage semble sorti d’un cauchemar romantique. L’univers graphique, foisonnant et grotesque, a quelque chose de fascinant : un enfer chatoyant, carnavalesque, d’une beauté morbide.
Mais une fois passée l’éblouissement visuel, le reste s’effondre. Le scénario de Pat Mills peine à exister au-delà de son vernis provocateur. Sous les postures pseudo-sataniques et les délires pulp, on peine à trouver un propos, une tension, ou même une véritable émotion. L’histoire se traîne, noyée dans un bavardage adolescent qui confond cynisme et profondeur. Les dialogues sonnent creux, les péripéties s’enchaînent sans logique dramatique, et l’ensemble finit par devenir ennuyeux, presque pénible à suivre. C’est un paradoxe rare : une série d’une beauté plastique renversante, mais d’une platitude scénaristique désarmante.
J’ai souvent eu le sentiment de feuilleter un artbook somptueux, plutôt qu’une bande dessinée. Et, à vrai dire, c’est peut-être ainsi qu’il faut la considérer : un recueil d’illustrations splendides, où le dessin raconte malgré lui ce que le texte échoue à dire. Car Ledroit, lui, porte tout sur ses épaules : il donne chair et volume à un monde qui, sans lui, serait vide.
Pour les amateurs d’illustration gothique et de peinture digitale, Requiem demeure un chef-d’œuvre visuel. Mais pour ceux qui cherchent un récit, une tension narrative ou une véritable atmosphère adulte, mieux vaut ne pas s’y tromper : derrière la splendeur des planches, il n’y a qu’un écho creux.
Je suis désolé que cette critique soit courte, mais c’est bien là le signe du problème : hormis la beauté des dessins, il n’y a vraiment pas grand-chose à raconter.