Il faut bien comprendre, la dette en tant que telle n'est pas le plus important, mais je ne peux pas perdre la face. C'est ce que les blancs ne comprennent pas... La face, c'est essentiel dans notre communauté. Si on commence à dire que je laisse un débiteur tranquille, je n'aurai plus aucune autorité à Chinatown. Retenez bien la leçon : perdre la face, c'est mourir ! La dette, pas important ! Les blancs ne comprennent jamais ça, idiot de long nez... Vous savez ce que me disait mes maîtres jésuites ? « Ce ne sont pas les hommes qui tuent les hommes, c'est la communauté ! ». Je veux que la communauté sache que quand on doit de l'argent à Cheng, on paye ou on meurt.



Avec Nevada, tome 2 : Route 99, on retrouve le duo de scénaristes Fred Duval et Jean-Pierre Pécau à la suite de cette lecture atypique du western moderne nous plongeant dans l'Hollywood des années 50. Un polar noir savamment orchestré autour du souvenir lointain de la conquête de l'Ouest par le prisme d'une industrie cinématographique naissante pour laquelle travail Nevada Marquez. À la solde de Louise Hathaway, productrice renommée au service d'Hollywood, Marquez est chargé des salles besognes des studios. Une toile de fond hypnotique venant contrebalancer les belles paillettes d'Hollywood par une lecture désenchantée des dessous de la scène. Un monde hypocrite et perfide avec lequel compose notre héros. Pour cette deuxième mission, Louise confie à Marquez le travail de convoyeur de fonds, plus précisément d'héroïne, de San Francisco. Un kilo de chinese rock qu'il doit escorter jusqu'à Los Angeles, dans le fameux quartier de Chinatown, pour un client qui en compensation de ce présent, facilitera la signature d'un contrat d'exclusivité avec le studio. Vive Hollywood ! Seulement, François Cheng, chef des triades chinoises, ne l'entend pas de cette oreille et se lance à la poursuite de notre torero survolté. S'opère alors un récit d'action totalement dingue, qui plonge le lecteur dans une course complètement folle !


Route 99 est un album survitaminé nous immergeant dans une gigantesque course-poursuite endiablée entre Marquez et la pègre chinoise qui ne le lâche pas d'une semelle, à travers des scènes percutantes qui s'enchaînent frénétiquement. Des vignettes mémorables et rythmées, pour des pages qu'on tourne allègrement les unes après les autres. Nevada sur sa moto déferle à toute vitesse sur la route 99, où il multiplie les rebondissements avec des poursuites sauvages dans des bolides lancés à toute vitesse. Sur sa moto il affrontera également un avion épandeur rouge, offrant un chapitre culte pour une scène mythique imprégnée de l'histoire du cinéma avec le film d'Alfred Hitchcock : « La mort aux trousses ». Les fusillades sont féroces sous une tension extrême appuyée par une approche scénaristique rondement menée avec de nombreux clins d'œil et autres allusions au vieux cinéma (Charlie Chaplin, Alfred Hitchcock, ou encore Corinne Griffith avec The Divine Lady) qui s'emboîtent parfaitement avec la violence développée. Un divertissement hautement distrayant orchestré autour d'une palette de personnages intéressants avec des nouvelles têtes, comme le duo atypique d'agents du FBI roublards, la journaliste au Daily Inter Lake : Dorothy Johnson, Cheng le mafieux téméraire, Bill le fermier bourru grande gueule avec les dames mais maltraiter par les hommes, ou encore le nom énigmatique de « Carlsen », qui revient une fois encore sur le tapis. L'homme que Marquez et Miss Hathaway ne cessent de poursuivre, telle une figure fantomatique insaisissable. Une ombre qui instaure entre les deux personnages principaux un idéal à poursuivre : « la vengeance ! ».


L'on retrouve la belle technicité de Colin Wilson, qui instantanément pose le ton de cette bande dessinée, par le prisme d'un cadre atmosphérique sur les grands espaces américains sauvages. Une texture désespérée nous convoquant dans un environnement isolé avec des petites communes ravagées par une ambiance poussiéreuse et sale se posant comme un souvenir lointain d'un Ouest fantasmagorique. Un far west sauvage dévoyé dont le cinéma lui-même semble se détourner malgré quelques résistances qui trouveront un second souffle avec le western italien. Un western beaucoup plus en adéquation avec la conquête de l'Ouest désenchanté que mène Nevada Marquez. Un récit qui prend également, autant dans le fond que la forme, les traits d'un parfait film de gangsters ! Une première partie entièrement articulée dans une mouvance thriller noir mafieuse parfaitement rendue dans le design, sur une conclusion haletante lors d'une fusillade digne des plus grands titres cinématographiques du genre. Les traits des personnages sont authentiques avec des vraies gueules offrant des bons clients pour les péripéties qui se jouent, avec néanmoins un petit regret autour du visage un peu plus lisse de Nevada Marquez.
 



CONCLUSION :



Nevada, tome 2 : Route 99, par les éditions Delcourt du quatuor " Duval-Pécau-Wilson- Fernandez ", est une seconde bande dessinée très dynamique et mouvementé plongeant le lecteur dans une ambiance associant intelligemment le polar noir mafieux au western sauvage, le tout à travers le prisme d'un Hollywood naissant et pourtant déjà bien corrompus. Un second tome qui envoie la purée lors d'une longue course-poursuite enflammée nourrie par des salves de coups de feu féroces, offrant une bande dessinée réjouissante, implacable et haletante avec un personnage principal qui se dévoile un peu plus.


Place au spectacle !




  • Monsieur, s'il vous plaît cet homme est blessé ! Vous allez lui faire mal !

  • C'est mon boulot de leur faire mal, comme ça ils arrêtent de voler des gens comme vous ! Mais appelez la police, faudra bien que quelqu'un les ramasse lorsque j'en aurai terminé avec eux, à moins que vous vous portiez volontaire, pour le ménage ? Bon, tu te décides ? Tu vois bien qu'on se fait remarquer, et je déteste faire du scandale !


B_Jérémy
7
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le 12 mai 2022

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