Dernier tome de la série, le scénario regagne un peu en intérêt sur la fin, quand le raccord avec L’Incal se dévoile à l’horizon. Les tableaux sont à la hauteur de ce qu’a livré Juan Gimenez depuis le début, autant que la mystique miraculeuse sans limite d’Alejandro Jodorowsky. Après un tome, plusieurs tomes, en perte de puissance, Sans-Nom renoue, enfin, avec le plaisir dans



un univers décalé et hallucinatoire assumé



où des liens se tissent, et où quelques surprises enrichissent un récit malheureusement sans grand suspense.


Dès l’introduction, le lecteur averti entrevoit la première surprise préparée par le scénariste :


Lothar est Tête d’Acier.


Pour la suite, l’enfance et l’initiation du héros se résument en deux pages torchées d’ellipses rapides qui disent combien Alejandro Jodorowsky est conscient de tourner en rond dans une série qui aurait pu être plus courte. Le scénariste, encore une fois, lance son récit avec la facilité des coïncidences évidentes


quand Tête d’Acier, congelé en position fœtale est déféqué près du volcan du dieu fœtus d’un peuple primitif.


Bientôt une lourde menace pèse sur Sans-Nom, puis sur l’humanité toute entière, mais encore une fois,



le suspense manque à l’appel :



le dénouement reste évident, et l’utilisation répétée de la narration indirecte nuit fortement à l’implication du lecteur.


Côté dessin, Juan Gimenez livre là



le plus album de la série.



Dense et monté avec intelligence, orné d’une impressionnante double page de ce monstre mi-animal mi-vaisseau qu’est le Suprapou, et de pleines pages plus sobres mais tout aussi belles telles celle de Sans-Nom au cœur des hologrammes familiaux ou face à l’ancêtre déifié de leur caste. Pour le coup, ce dernier album respire l’art de l’illustrateur : sobriété et richesse, tout un panel qui exprime le talent indéniable et admirable de l’artiste.


Sans-Nom le Dernier Méta-Baron boucle le cercle mystico-mythologique pré-L’Incal et ramène dans le corps des invincibles guerriers insensibles l’humanité nécessaire à la projection de soi, le goût mielleux de l’amour. Il y aura eu de la poésie dans l’ensemble du cycle, mal exprimée, froide parfois. Alejandro Jodorowsky y a surtout démontré les limites de son ambition narrative et les carcans d’une culture occidentale en ne sachant comment lier les événements de manière fluide. Loin d’être le meilleur de ses nombreux travaux, La Caste des Méta-Barons tient la route avant tout de l’intérêt que les fans de L’Incal peuvent y apporter, et surtout du talent magnifique de son illustrateur Juan Gimenez, avec qui le scénariste a édité d’autres aventures plus abouties. Et garde malgré tout l’intérêt d’éclairer cette facette de l’auteur, qu’il n’a jamais cachée,



ce goût de l’inexplicable, de la férocité du hasard,



des équilibres incertains du destin qui jouent du malheur et du bonheur sans raison apparente.
Bref, de cette fascination pour



le chaos de la vie.


Matthieu_Marsan-Bach
7

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Créée

le 17 juil. 2016

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