On peut toujours faire deux catégories parmi les êtres humains : les chauves ou les chevelus, les droitiers et les gauchers, les gourmands et les ascètes, ceux qui se sentent chiots dans leur tête et les pauvres gens qui n'ont aucune idée de ce que la proximité avec les bêtes peut apporter, par exemple. Visiblement, les auteurs de cette BD appartiennent à la première catégorie, comme moi. Ils prêchaient donc une convertie, qui a couché sur le papier en urgence toutes ses impressions irremplaçables quand son petit quadrupède est parti il y a 13 ans vers le Paradis des Petits Chiens, histoire d'essayer de garder vivaces des souvenirs qui de toute façon ne s'effacent jamais complètement. Encore aujourd'hui, il suffit d'un saucisson bien sec au frigo pour me rappeler l'odeur des coussinets de ce petit être pouvant contenir autant d'amour que tout l'Univers. Bref, on a là une madeleine de Proust pour n'importe quel humain ayant partagé le quotidien d'un canidé quelconque. Les chats, c'est tout autre chose, il leur faut un autre ouvrage. Ici, on s'adresse vraiment aux amis des chiens, qui reconnaissent aisément dans les vignettes les postures inimitables de leurs compagnons aux yeux attentifs et aux oreilles expressives. Le dessinateur a su capter, notamment chez les chiots, tout ce qui rend le chien unique au monde. Je vous laisse le découvrir. Mais aussi le caractère entier d'un humain qui a préféré fonder une meute, comme il le dit lui-même, qu'une famille, au cœur de paysages plus grands que nature. Un livre pour les amoureux d'un monde authentique, dépouillé des simagrées sociales compliquées et vides de sens qu'entre ces pages le Ministère de l’Éducation Nationale représente en majesté. Il avait le profil idéal pour ça , il faut dire. En résumé, une échappée belle qui finit comme finissent toutes les idylles avec un pote canin, et tord donc un peu l'estomac, mais qui vaut le voyage aussi et donne envie de courir à la SPA, chez le véto ou dans un élevage pour se donner la chance de partager cette joie innée qui meut normalement le chien qu'on laisse s'exprimer pleinement. Et là, les chasseurs en prennent aussi pour leur grade au passage, eux qui aiment la nature comme DSK aiment les femmes... De toute façon, cette BD n'est pas tellement tellement pour eux, alors je peux les taquiner un peu dans ces lignes sans risquer de me prendre du plomb en sortant en forêt... On imagine mal un amoureux des chiens dézinguer des renards, par exemple, en toute inconscience. Bon, chasseur qui trouverais que je me trompe, envisage d'aller "t'asseoir chez quelqu'un" avant de m'envoyer un commentaire acerbe. Les autres, bonne lecture, et préparez les kleenex... Une remarque avant de finir, l'adaptation en BD ne me donne pas forcément envie de lire le livre dont elle est tirée, ne serait-ce que parce que l'épilogue de l'auteur est si long qu'on a déjà l'impression de l'avoir lu. Et puis j'aurais peur de trop regretter les doubles pages de montagne qui aèrent ce récit. Je ne sais pas, c'est un phénomène nouveau pour moi qui lis toujours les livres dont les adaptations filmiques m'ont plu.