SuperPatriot est un personnage créé par Erik Larsen chez Image qu'on avait pu croiser pour la première fois dans les pages de la mini-série Savage Dragon de 1992 et à qui il offre en 1993 sa propre mini-série. SuperPatriot semble être un personnage qui traînait de longue date dans les carnets de Larsen, il avait essayé de le placer dans une proposition de reprise de X-Factor chez Marvel qui a été refusée (c'est Peter David qui a alors récupéré la série), il en a placé une version un peu alternative avec le perso Cyborg X quand il reprenait Spider-Man, et il hésitait ensuite à en faire son héros principal chez Image mais il estimait pouvoir faire plus d'histoires avec Savage Dragon.


Mais toujours est-il qu'il l'a vite intégré à son petit univers et qu'il lui offre ici ses propres aventures. Toutefois, vu qu'il doit produire Savage Dragon en parallèle, il est ici épaulé au scénario par Keith Giffen avec qui il a imaginé le plot (l'histoire globale de la mini-série), avant que Giffen ne s'occupe du script page à page et ensuite Larsen est revenu écrire les dialogues lui-même (histoire de s'assurer que la voix des personnages soit bien celle qu'il imaginait). Aux dessins on retrouve Dave Johnson, qui était probablement à ses débuts à ce moment là. On le connaît aujourd'hui comme un cover artist mais à l'époque il dessinait aussi des pages intérieurs avec un grand talent et avec une influence des mangas de SF de l'époque type Ghost in the Shell assez étonnante puisqu'on ne la retrouve plus du tout dans son travail aujourd'hui.


SuperPatriot est un personnage intéressant par sa place un peu transversale dans l'univers Image, allant au delà de l'entourage de Savage Dragon, puisqu'il a fait partie des super-héros opérant dans les années 40 de l'univers Image, aux côtés de créations de Liefeld comme Supreme ou DieHard des Youngblood, et sa version cyborg des années 90 est dû à la megacorporation CyberData qui vient du comics CyberForce de Silvestri. Dans cette mini-série de 93 il croise beaucoup de personnages de l'univers de Liefeld (on a Shaft et DieHard des YoungBlood qui ont des rôles importants et on a aussi Sentinel, Vogue et Bedrock qui passent vite fait ainsi que Cabbot des Bloodstrike) et il est même apparu dans l'univers d'Invincible de Kirkman ensuite, puisqu'avant de lancer sa fameuse série avec Cory Walker, ils avaient fait une nouvelle mini-série SuperPatriot en 2002. Le perso a eu au total 4 mini : celle-ci en 93, une autre en 95 toujours par Giffen et Johnson puis celle en 2002 de Walker et Kirkman et ensuite Kirkman et un autre dessinateur en on fait une autre entre 2004 et 2007, avec un rythme de publication d'un numéro par an. Et à par celle de 2002 qui été éditée en TP aux USA et en VF chez nous chez Delcourt, les aventures solo de SuperPatriot sont restées exclusives aux singles issues en VO.


L'histoire de cette mini SuperPatriot est plutôt simple : c'est un genre de Captain America qui a été un super-héros des années 40 aux années 90. Hélas, il s'est retrouvé grièvement blessé suite à un affrontement face aux supers vilains de Chicago, perdant notamment ses bras et ses jambes. Là, CyberData l'a transformé en cyborg et il a été récupéré par le gouvernement américain qui a décidé d'en faire une arme à leur service, lui dérobant tout libre arbitre. Ils vont l'envoyer combattre l'organisation terroriste Covenant of the Sword (un genre d'équivalent de Hydra chez Marvel) qui veulent eux aussi récupérer SuperPatriot et le mettre à leur service. Tout la problématique de la mini va donc de savoir à la fois comment le héros va se débrouiller face au Covenant of the Sword mais surtout s'il va réussir à récupérer ses souvenirs et son libre arbitre. La série peut se lire toute seule, mais avoir lu avant la mini-série Savage Dragon de 92 est quand même vivement recommandé pour avoir plus de contexte.


On a donc un peu une vibe Winter Soldier avant l'heure, avec cet ancien héros de la seconde guerre mondiale devenu un cyborg à qui on lave le cerveau, mais bon l'histoire est quand même moins bien rodée et le costume du perso plus ridicule (même si ses yeux bioniques ronds permettent des visuels sympathiques). C'est pas un comics désagréable à lire, loin de là, surtout pour du Image de l'époque, mais c'est dommage de ne pas avoir donné plus de profondeur au perso principal. Ca cherche vraiment à jouer à fond sur le côté froid et mystérieux, silencieux et robotique du héros, ce qui est assez original, mais bon je pense qu'en développant plus son passé et en accentuant le côté tragique de sa perte de libre arbitre, il y avait peut-être moyen d'avoir quelque chose de plus efficace. Par contre, ça fait plaisir de voir les persos de Youngblood bien écrits, et ça m'a permis de comprendre un nouvel aspect de Diehard que je n'avais pas saisi jusque là (je ne sais pas si c'est un élément inédit révélé dans cette mini ou si ça a été révélé ailleurs que dans les pages de Youngblood que j'ai pu lire).


C'est vraiment un comics bourré d'action, ce qui n'est pas vraiment surprenant pour un comics Image de l'époque, mais ici ça marche bien puisque la trame de fond est un minimum soignée, et surtout parce que Dave Johnson fait un travail incroyable aux dessins. C'est vraiment beau, sans aller vers un style très 90s comme la majorité des dessinateurs Image, et je trouve que ça a mieux vieilli, bien aidé par la colo numérique de Lovern Kindzierski qui semble plus maîtrisée que ce qu'on a d'habitude à l'époque dans ce domaine. Johnson fait un super taff avec son style plein d'ombres et de grands aplats noirs, permettant d'accentuer le côté dramatique des scènes, de donner de l'élégance et de la lisibilité aux scènes, et ça donne aussi des super choses quand SuperPatriot est plongé dans l'ombre et que ne ressortent que ses yeux bioniques ronds.


Il apporte aussi un grand soin aux éléments mécaniques, très détaillé où il vient ramener l'influence Ghost in the Shell dont je parlais plus haut. Les bras mécaniques transformables de SuperPatriot donnent des choses vraiment incroyables et on se régale à ce niveau là, surtout dans les scènes d'action où Johnson fait un travail super soigné. Les postures sont classes, c'est lisible, dynamique, avec par moment des influences mangas bien placées pour augmenter l'impact des cases. En plus, on nous offre des affrontement à peu près chorégraphiés et c'est pas juste des cases de combats qui tournent à vide comme on a parfois en comics. Le héros silencieux nous permet aussi d'éviter les combats à base de punchlines nulles qui s'enchaînent sans fin, ce qui est aussi bienvenue.


Bref, visuellement, cette mini-série SuperPatriot est une très bonne surprise et ça a bien contribué au plaisir que j'ai eu à la lire. Je tiens aussi à mentionner les costumes des membres du Covenant of the Sword, qui sont complètement improbables et ridicules et il faut que j'évoque aussi ces passages très chouettes dans le #2 où les flash backs sont encrés par différentes personnes : celui des années 90 par Kevin Nowlan et son style très reconnaissable, celui dans les 60s est assuré par nul autre que Dave Gibbons (!) et Karl Story vient encrer le passage dans les 40s dessiné volontairement dans un style très Kirby. Par contre, pour mentionner un bémol visuel : les onomatopées de bruit de flingue et d'explosions d'Eliopoulos, très carrées et massive, on tendance un peu à me gonfler.


Pour conclure, c'est une mini-série pas désagréable à lire et surtout très sympa à regarder qui permettra principalement de mieux comprendre le perso lors de ses apparitions futures dans Savage Dragon et dans la série Freak Force (autre série secondaire de l'univers Savage Dragon de l'époque). C'était une bonne surprise, même si on est pas non plus face à un grand comics incontournable.

arnonaud
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le 6 nov. 2022

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