Adapté en série animée, en film live et en spin-off, Terra Formars est un série au long cours, ce que ne laissait pas forcément présager ces premiers tomes. Le duo Ken-ichi Tachibana (dessin) et Yu Sasuga (scénario) a-t-il réussi à développer sur la longueur une idée de départ pour le moins séduisante ?


Aller sur Mars pour sauver les terriens


L’action se déroule entre la fin du XXVIe et le début du XXVIIe siècles. La croissance de la population sur Terre a engendré beaucoup d’effets indésirables si bien qu’une idée a pris forme : s’établir sur Mars via un processus de terraformation (avec l’envoi de lichens et cafards). Un projet rendu possible par une coopération des principales nations de la planète. Face à l’urgence, l’union fait la force ! Quoique...


En effet le but officiel au début du manga (envoyer une mission pour évaluer si l’installation est possible sur Mars) va évoluer au fur et à mesure que les missions se déroulent. Oui, plusieurs expéditions auront lieu car il faut affronter les nouveaux habitants de la planète Mars – des cafards – et la situation sur Terre évolue. L’expédition qui nous occupe est la troisième (Annex 1) où une troupe de choc (100 personnes) doit trouver l’agent pathogène qui décime une partie de la population terrienne. Mais certains cherchent à profiter de la situation pour servir d’autres objectifs…


Face à une population locale pour le moins hostile, les humains envoyés sont des êtres augmentés. Thématique porteuse explorée dans des séries (Levius, No Guns Life…) comme IRL (Josiah Zayner), ici les missionnés portent en eux l’espoir de l’humanité non seulement par leur présence sur Mars mais aussi parce qu’ils sont le fruit d’opérations qui croisent l’ADN humain avec de l’ADN animal (insectes, crustacés…)…


Mais qui reviendra ?


L’histoire permet alors de voir plusieurs personnages, chacun doté de capacités différentes qui peuvent en plus être « boostées » via des injections (pas de contrôle anti-dopage !). S’il n’est pas évident de retenir le nom de tout le monde en première lecture, la majorité des personnages bénéficie d’un développement minimal, pour comprendre d'où ils viennent. Certes on pourra remarquer que leurs motivations ne sont pas toujours originales, qu’il y a quelques clichés mais aussi une certaine ironie en ce que les personnages qui sont présentés meurent parfois quelques pages plus loin, même si ce sont des personnages a priori principaux. Pas de pitié dans Terra Formars !


Si la mort est si présente cela vient notamment des cafards. Les humains ne sont pas les seuls à évoluer : les innovations dont ils sont porteurs se sont diffusées… Oui, les cafards ne respectent pas la propriété intellectuelle ! Eux aussi s’augmentent ! Si tout cela peut ressembler à un musée des horreurs, on ne peut s’empêcher de noter que ces cafards sont le produit (involontaire) des hommes. Comme une nouvelle version de la créature de Victor Frankenstein.


Autre source de morts ou de disparitions : les coups fourrés tendus par certains membres de la mission Annex 1. Les êtes augmentés ne sont pas forcément meilleurs que les humains « normaux ». Mais s’il faut se méfier d’autrui, la défiance n’est pas généralisée car, dans l’adversité se construisent des liens forts pour essayer de s’en sortir. Tout cela mis ensemble permet d'offrir bien des rebondissements. Certes l’effet de surprise se dissipe au fil des volumes car on se met à anticiper mais le scénario de Yu Sasuga est plein de ressources, notamment pour changer le théâtre des opérations…


Quelques pas de côté


Si le fait de voir des humains écrabouiller des bestioles rappellera le très bon Starship Troopers, le manga permet aussi d’aborder, à travers la guerre par procuration que se livrent les nations impliquées dans le projet Annex 1, la question des relations internationales. Certes on ne peut que constater la marginalisation progressive de l’Europe, car le haut du pavé est tenu par la Russie, la Chine, les États-Unis et le Japon. Une configuration quadripolaire qui n’est pas sans posséder quelques racines profondes dans l’histoire du Japon. On pourra donc trouver une certaine mise à jour des questions de conflits territoriaux, de nouveaux « navires noirs » menaçant l’archipel…


Deux autres points ont attiré mon attention. D’abord, la présence de citations au fil du manga (Charles Darwin mais aussi Esther Duflo et Abhijit Banerjee, entre autres) mais aussi de références à des travaux scientifiques pour expliquer tel ou tel fait apparu devant nos yeux. Les auteurs ont la volonté de fournir des appuis à ce qu’il nous donne à voir. Ensuite, il me semble que derrière tous les cas envisagés, Terra Formars donne à voir toute la diversité des espèces, leurs capacités. Une manière de nous faire prendre conscience de la richesse de la biodiversité ce qui est loin d’être anodin à notre époque où elle est menacée.


Côté dessin, Ken-ichi Tachibana livre une prestation constante au fil des tomes. La traduction assurée par Sylvain Chollet est de très bonne qualité quand Kazé propose une édition française dans les standards de sa collection seinen.


La vie trouve-t-elle toujours un chemin ?


Alors que la COP 23 montre la difficulté pour les pays de tenir leurs engagements quand l’appel des 15 000 suggère de prendre rapidement des mesures, Terra Formars nous présente un futur où la Terre est toujours debout mais à un certain prix : sacrifier certains pour que d’autres survivent, la logique demeure constante… Face à cela les humains augmentés de Terra Formars sont-ils le signe d’une nouvelle humanité vers laquelle nous pourrions tendre pour mieux nous adapter à notre environnement et partir à la conquête d’autres planètes ? Ce n’est pas le moindre des mérites de ce manga que d’explorer ces possibles pour montrer que cela n’a rien d’évident... alors autant agir aujourd'hui pour éviter d'avoir à se poser ces questions... s'il n'est pas déjà trop tard.


Version longue et illustrée de cet avis ici.

Anvil
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Créée

le 14 déc. 2017

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Anvil

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