Le voilà ! Et en édition collector en plus ! Avec un animé qui a débuté en avril, voilà pas mal de conditions réunies pour que le parcours du prince Arslan ne passe pas inaperçu par chez nous. Faut-il crier victoire pour autant ?


S'il fallait résumer la série en une phrase on pourrait dire que que The Heroic Legend of Arslân nous montre comment l’avenir qui s’hérite se transforme - moyennant quelques événements malheureux -, en avenir qui se mérite ! La chute de la capitale Ecbatâna et de son roi Andragoras suggère en effet que Arslan ne sera pas un héritier recevant son dû sans rien faire. Il faudra donc, sans doute, être patient pour assister à la fabrique d’un roi qui fera, peut-être, mieux que la génération précédente.


Cette thématique est d’ailleurs évoquée dans l’entretien de fin de volume (contenant des échanges entre Tanaka, Arakawa et Hideo Nishimoto) où Y. Tanaka nous dit vouloir rompre avec ce que l’on peut trouver dans les contes de fées, de Grimm… où un enfant pauvre se révèle appartenir à une dynastie prestigieuse et finit par être un bon roi. L’auteur souhaite faire l’inverse. Autant dire qu’Arslan devra mériter sa place – ce qui permettra sûrement de faire des parallèles entre lui et le souverain de Lusitanie.


Quatre chapitres compose ce premier volume. Le premier chapitre constitue d'ailleurs un inédit par rapport aux romans : il est là pour 'planter le décor' et nous montrer la richesse de la capitale de l’empire Parse, le roi ‘jamais-sans-mon-armure’ et ses invincibles soldats… Tous les ingrédients pour nous laisser croire que cet empire et son roi invaincu le resteront longtemps. Nous étions alors en 317, trois ans plus tard – Arslan a 14 ans et participe à sa première campagne – la défaite sifflera aux oreilles du roi et de ses troupes, à la faveur d’une défaite minutieusement préparée par les lusitaniens et leur éminence grise : l’homme au masque d’argent qui ne porte pas Andragoras dans son cœur.


Grandeur et chute d’un roi. Andragoras : un personnage dur dont les rapports avec la reine et son fils ne dressent pas le portrait d’une famille formidable : leurs échanges sont réduits, Arslan semble délaissé, comme s’il décevait ses parents ce qui finit à terme par poser beaucoup de questions, y compris sur ses origines… D'autant plus que le roi semble avoir commis des actes graves par le passé, des actes qui provoquent sa défaite et sa capture.


Voici donc un père sur la touche, une mère à la capitale, un fils seul… Non : Daryûn est à ses côtés. Il s'agit d'un des cinq meilleurs guerriers du royaume et il a des aires de Kimblee (FullMetal Alchemist). Il sort sa majesté du champ de bataille pour l’amener chez un ami : un stratège banni par Andragoras pour ses idées ‘folles’ : Narsus, dont on apprend quelques faits dans le tome et qui se dévoilera dans le prochain. Voilà une partie de la colonne vertébrale qui permettra au prince de se redresser : un guerrier d’exception qui pourra parfaire sa formation à l’épée, la lance, etc. si le besoin s’en fait sentir ; un personnage plus ‘intellectuel’, pour l’éclairer sur l’état du monde, parfaire sa réflexion dans plusieurs domaines (l’art, les arcanes de la politique, la stratégie militaire…). Déjà on sent que sa première expérience de la guerre, ce qu’il a vu et le goût du sang qu’il a pu avoir lui ont fait perdre de son innocence et de son ignorance (les cheveux et la cape tâchés de sang…) – la quête commence. D’autres personnages apparaîtront pour renforcer les rangs d’Arslan et ermettre à ce dernier de se constituer sa dream team pour reconquérir le pouvoir.


Outre cette question de la reconquête (qui ira de pair avec la décomposition progressive des lusitaniens en terres parses ?) le manga évoque nombre d’autres thèmes. Pour se limiter à quelques-uns :


1) L’esclavage : la cité de Parse repose sur l’esclavage ce qui semble assez naturel aux yeux d’Arslan et même un signe de prospérité alors que cela révulse le jeune soldat lusitanien qui découvre cela suite à sa capture. Le choc de ces deux visions permet de montrer comment ce qui semble naturel, aller de soi est le fruit d’un travail d’incorporation. C’est aussi l’occasion d’évoquer l’esclavage dans sa complexité : était-ce un régime ignoble ? Les esclaves étaient-ils maltraités ? Qui du maître ou de l’esclave détient le pouvoir ? On le verra au fil des chapitres…


2) La religion : le conflit entre Parse et la Lusitanie est aussi un conflit religieux car les lusitaniens, obéissant à Yahldabôth, proclament que les individus naissent égaux (mais le demeurent-ils ?). L’esclavage les révolte et ceux qui ne suivent pas les préceptes de leur Dieu sont des infidèles méritant la mort. Une logique que ne comprend guère le prince Arslan (on ne peut que le comprendre) et qui rappelle certaines actualités.


3) Le comportement d’un roi, le rôle à tenir. Où l’on voit, par petites touches, qu’Andragoras a un statut à assumer, un pays à tenir ; le moindre relâchement lui est interdit. De trop lourdes charges pour ses épaules ? Qu’est-ce qu’un grand roi ?


4) L’art de la guerre : comment tirer profit du terrain, attirer l’ennemi dans un piège…


Des thèmes et, surtout, une ambiance qui ne sont pas sans évoquer d’autres titres du moment comme le très bon Altair, Ad Astra… Mais The Heroic Legend of Arslân n’est pas un simple copié-collé de ces séries. Ce manga possède une dynamique différente et il peut compter sur le dessin de Hiromu Arakawa qui n’a rien perdu de ses talents. Le trait est toujours précis, la dynamique de l’action bien retranscrite, tout comme les émotions des personnages. Peut-être l’environnement et l’arrière-plan n’est-il pas toujours bien détaillé. La violence de la bataille est là et on espère que la série n'ira pas en s'adoucissant.


On retrouve aussi une galerie de personnages qui s’étoffe au fur et à mesure et du côté de Parse comme des lusitaniens il y a beaucoup de personnages qui, sans parler pendant 30 pages nous tapent assez vite dans l’œil par leur allure, leur parole… Et si certains évoquent indubitablement des têtes connues de FMA’ (King Bradley, Olivia, Kimblee…) assez vite on finit par les oublier et par les appeler par le nom qu’ils portent dans le manga. Le signe d’une adaptation réussie ? Que H. Arakawa adapte son style à son travail ? On sent, à lire l’entretien, qu’elle prend plaisir à adapter cette saga : de quoi lui faire acheter et lire encore plein de livres ! Ce ne fut pas facile car la documentation sur la Perse Antique n’est pas foisonnante mais H. Arakawa arrive toujours à se débrouiller ! Cela donne aussi des marges d’interprétation et la possibilité pour Y. Tanaka dans ses livres comme H. Arakawa dans son dessin de prendre quelques libertés par rapport à la ‘réalité’ de l’époque.


Voici donc une série dont le cheminement est classique, ce qui n’enlève rien au plaisir pris à lire le premier tome. Kurokawa propose une édition collector avec une jolie couverture, des pages couleurs qui ne sont pas exceptionnelles (du point de vue des couleurs), une traduction agréable (parfois Atropathènes n’a pas de s à la fin, les grades ne sont pas tous expliqués…) et un entretien de fin de volume très intéressant même s’il n’est pas dans le même sens de lecture que le manga.

Anvil
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le 3 juin 2015

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