Déçu par ce Lemire. Lui qui m’avait habitué à de grandes œuvres ou de simples bijoux. Ou, au pire, à la beauté de la faiblesse graphique ou narrative. Là, il signe sa première défaite.
Allez, on s’y attelle : Trillium est un comics de 250 pages. Il raconte une société parallèle dans laquelle l’espace est habité et démographiquement saturé. Une jeune femme, empêtrée dans de sales histoires, se retrouve accidentellement sur Terre en 1931. Et tombe amoureuse d’un aventurier.
Bon, sur le papier j’étais mitigé. Confiant car c’est Jeff Lemire, mais dubitatif à raison car je trouvais le synopsis lacunaire. Pressentiment dionysiaque : je ne trouvais pas les termes de ma pensée, mais tout s’éclaire dans les 50 premières pages.
C’est vu et revu. On veut nous faire croire au génie, à une complexification essentielle. Elle est artificielle. Un Roméo et Juliette qui ose s’affranchir du père, c’est respectable. Mais pour aller où ? Éloigne-toi, mais garde les pieds sur terre. Ces envolées désintéressantes me gavent.
Mais encore, il n’est pas question du cœur du problème, qui vient ensuite. Les 200 dernières pages : Lemire tente de pousser à bout la recherche formelle. Il retourne et reretourne l’image, et puis ainsi soit-il. Mais c’est désagréablement chiant. Lemire, ici, a plus d’audace que de savoir-faire. L’auteur signe un ouvrage qui... n’est pas impersonnel, mais apathique.
Il y a quelque chose de l’ordre de la commande, ou un travail de groupe de seconde. Je ne sais pas, mais en tout cas je reconnais les sentiments de l’auteur, mais pas ceux du lecteur. On entend sa voix, sans la comprendre. Il nous prend par la main mais nous lâche aussi tôt.
On a une dynamique blockbustérienne vaine, qui ne sert pas à rien, mais presque. Dans ses mises en plan, il y a du Christopher Nolan. C’est méprisable. La couleur pâle, ce noir et blanc qui veut embrasser la lune couleur. Les couleurs sont juste pâles, vides. On a sûrement dû lui annoncer une mauvaise nouvelle.
Mais bon. Assez blablaté. Bien qu’il ne soit pas mauvais, il est décevant. Peut-être Lemire a-t-il
tout dit ?