le 3 mai 2015
Vis ma vie de prisonnier politique
"Il devait s'agir d'une calomnie, car un matin, sans avoir rien fait de mal, Mana N. fut arrêté." Si la couverture, le titre et même quelques planches entières évoquent La Métamorphose kafkaïenne,...
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"Il devait s'agir d'une calomnie, car un matin, sans avoir rien fait de mal, Mana N. fut arrêté."
Si la couverture, le titre et même quelques planches entières évoquent La Métamorphose kafkaïenne, c'est bel et bien Le Procès qui semble avoir inspiré toute l'histoire de cette Métamorphose iranienne.
C'est cependant une histoire vraie, celle de l'auteur, et contrairement à celle de pas mal d'auteurs de BD indé, la sienne n'est pas banale. Mis en prison pour avoir dessiné un cafard dans une publication presse, un cafard qui avait le malheur d'employer un mot d'origine turque dans un pays où les ethnies turcophones (les Azéris) sont minoritaires et ont des relations tendues avec l'ethnie dominante persane. Et ce cafard fut interprété comme étant une moquerie à l'égard de la minorité, ce qui conduisit ces Azéris du Nord de l'Iran à manifester, tant et si bien que la République Islamique n'eut d'autre choix que de réprimer ces protestations, causant la mort de plusieurs manifestants. Et qui a généré tout ça : le gouvernement trop répressif, les Azéris trop sensibles ? Non, l'auteur du dessin, paru dans la presse jeunesse, évidemment.
Et là le parallèle avec Le Procès devient évident : arrêté un jour sans avoir la moindre certitude de retrouver sa liberté un jour, enquillant les interrogatoires, égrenant les recours légaux alors que la Loi semble si floue, Mana est véritablement écrasé par tout ce dispositif étatique oppressant, paranoïaque et fondamentalement injuste.
L'occasion de découvrir le système carcéral iranien, d'en découvrir le fonctionnement, la population (les prisonniers politiques, les escrocs, les vendeurs de crack, les consommateurs, les gardiens forcément antipathiques, les dirigeants forcément peu scrupuleux et peu hésitants sur l'usage de pressions psychologiques), et le tout sans trop de sensationnalisme. Neyestani avoue lui-même qu'au fond son histoire n'est pas passionnante et remplie de sévices les plus affreux : pas de séance de torture glauque et éprouvante, pas de grand secret ou révélation : juste l'histoire d'un bouc émissaire dans les geôles d'un gouvernement répressif.
Et c'est parfois un peu plat, un peu prévisible (puisqu'on sait dès le début que le bougre finira par quitter sa prison, pour nous permettre de lire son histoire), et on sent que l'auteur est avant tout un illustrateur plutôt qu'un réel dessinateur de bandes-dessinées, étant bien plus doué pour les grandes illustrations/caricature choc d'une page entière plutôt que pour l'enchainement fluide de cases cohérentes. Il y a quelques idées sympathiques et originales, comme l'apparition en parallèle d'un fonctionnaire chinois, dont le destin finira par croiser celui de l'auteur ou quelques idées graphiques bien senties qui "jouent avec la page".
Au final, on en apprend plus sur le système carcéral que sur l'Iran dans sa globalité, qui n'est qu'une toile de fond interchangeable avec d'autres systèmes autoritaires, et cette Métamorphose iranienne est au final une intéressante illustration de la terreur kafkaïenne, qui compense le côté convenu (et tristement peu surprenant) de son propos par l'authenticité du récit.
Créée
le 3 mai 2015
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