« It’s strange how dead bodies don’t faze me again »

Ne connaissant que très peu l’univers des comics, j’ai voulu m’y mettre en suivant, entre autres, les recommandations d’un podcast spécialisé en la matière, comics outcast. Parmi les premières que j’ai pu entendre, le peu connu Velvet m’a pas mal intéressé dans l’idée. « Si vous aimez les films d’espionnage, ça risque de vous plaire. Si vous aimez les personnages féminins forts, ça risque de vous plaire. Si vous aimez les dessins pas trop cartoons, assez élégants, ça risque de vous plaire. » Voyons ce que j’en ai pensé, sachant que je m’y connais encore très peu dans le domaine des comics à l’heure où j’écris ces lignes.


Pour information, l’auteur Ed Brubaker a signé beaucoup de comics X-Men, Batman, Captain America... et le dessinateur Steve Epting un peu moins mais souvent en coopération avec l’auteur comme sur les Captain America en parallèle de ce comics, ce qui semble plutôt rassurant comme CV, du moins quand on s’y connaît pas trop. Bon, le point de départ de l’intrigue n’est vraiment pas très original, comme le souligne un personnage du comics « that old classic » : Il y a une organisation secrète occidentale en pleine guerre froide composée d’espions d’élite, un de ses membres a été assassiné et une autre va devoir découvrir la vérité derrière tout ça alors qu’elle se retrouve en solo, poursuivie par ses collègues pour être suspectée à tort du meurtre. Ce qui sous-entend qu’un membre de grande importance au sein de l’organisation en question est un traître et compte se dissimuler derrière son bouc émissaire qui ne compte pas se laisser faire.


Néanmoins, l’intrigue s’épaissit à la manière d’un bon récit d’espionnage, avec des agents doubles dont leur vraie motivation est révélée brutalement, des flashbacks nous apportant des éléments d’informations offrant un autre degré de lecture des événements, des morts factices mises en scène pour qu’un coupable ne soit plus suspecté… C’est globalement très maîtrisé, et si encore une fois c’est pas très original, j’ai bien apprécié suivre cette intrigue jusqu’à son dénouement très efficace :


Si je n‘ai pas cru un instant à la mort de Velvet au début du dernier tome, je me suis fait avoir par la fausse mort de Manning et par la réponse violente de Velvet à sa requête. En plus, l’utilisation des couleurs rouges et bleues est ultra pertinente pour d’abord placer Manning dans cette couleur chaude qui le représente fort et dangereux, Velvet dans cette couleur froide qui la représente à l’exact opposé, avant que ça ne s’égalise pour enfin que ça s’inverse au fur et à mesure de la conversation, magnifique.


L’autre point que j’apprécie beaucoup c’est évidemment l’héroïne qui est intelligente, téméraire, talentueuse… tout en ayant un côté impitoyable assez sombre, mettant en danger des civils pour échapper à ses ennemis tout en reconnaissant qu’elle devrait en avoir des remords, et comme on vit l’histoire essentiellement à travers son regard, ses pensées… c’est vraiment pas négligeable. Son histoire tragique que l’on apprendra au fur et à mesure participe à renforcer cette caractérisation et la culpabilité grandissante qui en résulte marche très bien.


D’ailleurs, quand on ne la suit pas elle, on suit des agents qui galèrent à la poursuivre pour montrer à quel point elle est douée, avec une petite astuce pour ne pas être perdu sur les pensées du personnage qu’on est en train de suivre : l’infobulle est d’une forme et d’une couleur propre au personnage en question. Un autre détail que j’apprécie c’est que si elle a quelques gadgets bien utiles à disposition, c’est souvent par ses propres moyens qu’elle finit par s’en tirer. « Tout combat qui dure plus de 5 secondes est un problème, je préfère quand il dure si peu que je suis la seule à comprendre qu’il y ait un combat. »


Il lui arrive de commettre quelques erreurs, de jugement comme au combat, qui font que lorsqu’il y a mise en danger, on y croit un minimum, d’autant que beaucoup de morts surviennent très brutalement. Par ailleurs, la dualité entre le présent marqué par les tueries et le passé où elle a pu vivre des moments paisibles et relaxants offrent un contraste assez plaisant qui permettent également de bien la caractériser.


Les dessins, non comptant de bien la distinguer des autres personnages avec sa mèche blanche et ses yeux verts, arrivent vraiment à la mettre en valeur avec par exemple son corps dépassant de la case à l’occasion, seul personnage à bénéficier autant de ce traitement visuel. Bon ils n’ont pas résisté à la tentation de lui confier une tenue sexy, ou pas de tenue du tout d’ailleurs, de temps à autre mais ce n’est pas exagéré et c’est toujours « justifié ». Le plus important c’est qu’ils mettent vraiment en lumière par un habile choix de couleurs les personnages qui ont besoin d’être mis au premier plan.


Ces dessins arrivent également à retranscrire des moments un peu mélancoliques, qui ouvrent pour beaucoup l’aventure, sous la pluie en pleine nuit avec les éclairages londoniens comme se reflétant un peu partout, ça dégage vraiment une ambiance très appréciable. Au bout du compte, il y a peut être un peu trop de plans avec un personnage fumant ou buvant le regard dissimulé dans l’ombre, mais je trouve que ça marche très bien pour maintenir cette ambiance donc ça ne me dérange pas du tout.


On voyage à travers l’Europe principalement (Londres, Belgrade, Paris…) mais on restera très majoritairement dans cet environnement urbain et nocturne, ce qui me va tout à fait. Sur la forme, on a aussi des cases où l’on ne voit dans un cadre assez large que ce qui retient l’intention de la protagoniste dont on lit les pensées, ce qui marche assez bien pour l’immersion. De ma faible expérience en matière de comics, j’ai tout de même le sentiment que c’est un dessin vraiment élaboré dont j’ai perçu des gimmicks dont j’ai compris et apprécié le sens.


Vous l’aurez compris à la lecture de toutes ces lignes, j’ai beaucoup apprécié suivre ce récit d’espionnage, certes très classique, qui sait poser une ambiance prenante, mettre en scène une protagoniste charismatique, faire évoluer une intrigue assez captivante… Je dirais par contre en reproche majeur que j’en voudrais plus, la fin arrive un peu trop brutalement à mon goût, n’échappe pas à un cliché qui me gêne pas mal sur sa toute dernière page et je pense qu’ils auraient dû assumer jusqu’au bout le côté sombre de leur histoire et de leur héroïne, mais ça n’enlève rien à toutes les qualités citées précédemment bien sûr.

damon8671
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 juin 2018

Critique lue 158 fois

2 j'aime

2 commentaires

damon8671

Écrit par

Critique lue 158 fois

2
2

D'autres avis sur Velvet (2013 - 2016)

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7