Vermis I
7.7
Vermis I

Roman graphique de Plastiboo (2022)

Quand le mystère devient un écran de fumée

Je suis toujours preneur d’objets étranges, de ceux qui prennent à revers les codes habituels. Vermis, sur le papier, avait tout pour me séduire... Une proposition graphique audacieuse, un hommage appuyé au pixel art rétro, et cette ambiance dark fantasy à mi-chemin entre cauchemar gothique et reliques d’un jeu oublié.

Un mélange entre artbook et livre sacré d’un jeu maudit qu’on aurait exhumé par erreur. De quoi intriguer, de quoi, peut-être, marquer les amateurs d'horreurs internets, dont je fait partis. Ceci dit, une fois les premières pages passés, le soufflet retombe très vite et on constate qu'il n'y avait qu'une bonne idée de base, mais rien à garder dans son exécution.


Ce que propose Vermis, en surface, est original!

Un guide fictif, sans scénario linéaire, sans héros, sans fil narratif évident. On tourne les pages comme on feuillette une encyclopédie arrachée à un autre monde, où l’on découvre des fiches d’objets, des fragments de légendes, des monstres et des lieux oubliés.

Les problème pointent d'ailleurs le bout de leurs nez dès ce moment là. Car visuellement, c’est très peu soigné et ça manque beaucoup de travail. Chaque texture, chaque nuance, chaque hachure évoque un monde en ruines, dans lequel on constate une non maitrise de ces inspirations, de la mise en page... Alors oui, l'horreur de ce genre là, va jouer sur ce qu'on ne distingue pas bien, mais ici, on abuse de se procédé pour proposer des corps trop similaire, trop peu visibles et un cruel manque d'inspiration graphique.

Il y a quelque chose d’étrangement tactile dans ce noir granuleux, comme si le papier lui-même portait les traces de quelque chose d’éteint, ce qui est un bon point pour le livre. Mais rien ne sort jamais de cette matière avec une bonne idée et on s'ennui déjà cruellement devant le manque de détails et de variétés de tous ce qui est proposé.


Du coup... Très vite, l’intérêt s’effrite. Car si le décor est bancal, le reste patauge! Pas de souffle narratif, pas de conflit, pas même de mystère à résoudre. Juste un catalogue de bribes cryptiques, souvent jolies, mais vides de toute charge émotionnelle. Aucun personnage ne surgit, aucun moment fort ne prend le lecteur à revers, rien ne tisse une quelconque implication. C’est froid. Distant. Comme un jeu auquel on n’aurait pas le droit de jouer...

Je peux lire que ça fait rêvé et qu'on aurait voulu avoir ça manette en main, je suis cruellement contre cette triste idée. Car justement ça manque d'idées et on ne fait que s'inspirer d'éléments déjà bien connus, sans comprendre ces inspirations.

Ce livre ne fait que singer un type d'horreur sans le comprendre et sans rien avoir à raconter!


Et là où certains y voient une richesse suggestive, une invitation à combler les vides, j’y ai plutôt vu une illusion de profondeur.


Une œuvre qui mime la dark fantasy sans en embrasser la substance. Comme si l'on s'était contenté d’accumuler des poncifs esthétiques, des glyphes, des runes, des monstres à moitié visibles, dans l’espoir que le brouillard devienne sens. Mais à force de tout envelopper dans une ambiance sombre et ésotérique, on finit par ne plus rien raconter. Ou plutôt, à ne plus se soucier de ce qu’on pourrait raconter.


Je veux bien avouer mon manque d'implication... J'ai bien pris le temps, je l'ai lu jusqu'au bout et j'ai bien remarqué les petits mystères de chiffres cachés ici et là... Mais quand le contenu est aussi peu intéressant, je n'ai pas eu l'envi de me prendre au jeu de l'enquête.

Pour la simple et bonne raison que... La narration, volontairement fragmentée, ne prend jamais et ce n’est pas qu’une question de style, c’est une absence assumée de propos, un silence qui ne dit rien. Là où d’autres œuvres cryptiques, je pense à Blame!, Dark Souls, Berserk, Mandela Catalogue ou même Hyper Light Drifter (pour avoir le spectre le plus large possible), laissent des traces, un vertige, une émotion, ici il ne reste qu’un beau vide.

Original dans ça forme, mais ni un bel objet et totalement dénué d'âme.


C’est ce manque d’âme, de cœur, qui rend l’expérience aussi frustrante. Pas de personnage auquel s’attacher, pas de tension, pas d’énigme à résoudre, pas même de moment marquant. Même la mise en page, séduisante au début, finit par lasser tant tout semble figé dans une boucle de fascination creuse pour le cryptique et l’obscur. On tourne les pages avec de moins en moins de curiosité, en espérant une rupture, un signal, quelque chose mais non...

J'ai pu me dire, que ce dieu a été cité plusieurs fois et que ce monstre est aussi revenu plusieurs fois, mais je n'y vois pas de lien assez clair... C'est de la réutilisation d'une lore déjà très faiblard, pour nous faire croire à quelque chose d'interconnecté?


Là où un vrai guide fictif se nourrit de sa propre illusion (à la manière du Codex Seraphinianus ou des fausses encyclopédies de Jodorowsky), Vermis n’est ni assez dense pour intriguer, ni assez clair pour captiver. On reste coincé entre deux intentions, sans la force évocatrice ni la radicalité de ceux qui ont su manier le cryptique avec sincérité.


Vermis aurait pu être un pont entre l’art sériel et l’archéologie fictionnelle. Il aurait pu créer un malaise fécond, un vertige graphique, une obsession. Mais il reste bloqué à la surface. Il pose un décor sans qu’aucune silhouette n’y entre. Il enfile les symboles sans jamais leur donner de résonance. Un exercice de style raté, car les inspirations ne sont pas assez décortiqués et comprises...

Au final, je n’ai rien ressenti, sinon un vague ennui. Une forme sympathique, oui. Mais oubliable. Ce qui ne donne pas envie d’en voir la suite.

Alors merci pour l’effort plastique, mais le cœur n’y est pas.


EDIT: J'ai pu voir la superbe vidéo de ALT236 sur Vermis tome 1 et 2. Je suis ravis que certain puisse y voir une poésie dans l'ultra absence d'information, je peux même totalement le comprendre.

Ceci dit cette interprétation de l'oeuvre ne me convient pas. Puisqu'on reste sur un oeuvre trop en surface sur tout et tout le temps. Un peu comme le livre de Alt236 qui reste aussi terriblement en surface! Pardon pour la balle perdu, ce n'est pas mon objectif... Oui ça va faire travailler l'imaginaire, puis cette absence d'histoire, d'éléments clairs et de personnages permet de se créer ça propre interprétation... à mes yeux, c'est juste impossible, on ne peut pas manquer de tout est dire que c'est super pour l'imaginaire. (D'ailleurs cette fameuse vidéo, ne parle de Vermis que 1 tier du temps de la vidéo, c'est dire, s'il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent)

KumaCreep
2
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le 28 juil. 2025

Critique lue 70 fois

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