Contrairement à ce que certaines personnes semblent penser, il ne suffit pas d'avoir une bonne histoire pour faire un bon film. Tout dépend de la façon dont est racontée cette histoire et de la manière dont les éléments qui la compose sont amenés ou traités par le scénario et la mise en scène. Or lorsqu'on se repasse l'histoire de 10 Cloverfield Lane dans sa tête, on se rend compte de son ingéniosité et on se dit qu'il y a là tous les éléments d'un excellent huis clos riche en rebondissements et sous haute tension. Et pourtant, le film est une merde et ce parce que le réalisateur et les scénaristes en charge du long-métrage n'ont pas su raconter leur histoire convenablement, désamorçant ainsi chaque bonne idée de leur scénar par de grosses maladresses sur lesquelles il est difficile de faire l'impasse. En quoi me direz vous ? Eh bien, voyons tout ceci en détails.


Tout d'abord, dans sa première partie, le film laisse planer le doute quand à la véracité de l'apocalypse et des bonnes intentions d'Howard ce qui en soit constitue une idée brillante puisque la promo n'ayant révélé que le pitch du film, cette option est encore tout à fait envisageable. Malheureusement, cet élément est simplement amené par le fait que Goodman se comporte comme un psychopathe mystérieux, colérique et ultra flippant pour RIEN, avant de devenir INSTANTANÉMENT plus affectueux une fois que l'on s'est assuré qu'il disait bel et bien la vérité. Notre présumé méchant finira même par avouer à Michelle que c'est lui qui l'a percuté en bagnole, se sentant ainsi obligé de la recueillir, ce qui l'aurait pu lui avouer DEPUIS LE DÉBUT. Je comprend que l'on pouvait pas révéler cette information tout de suite, car elle casse à elle seule toute l’ambiguïté provisoire que le réal essaye d'instaurer. Mais on se demande vraiment pourquoi il ne lui dit pas plus tôt afin de la mettre en confiance. Cela n'est cohérent que par rapport au déroulement du scénar et aux intentions du metteur en scène, mais absolument pas vis à vis du personnage. Par conséquent, toute la tension du début ne fonctionne pas du tout, car elle repose sur un élément amené grossièrement et fondamentalement incohérent.


Ensuite, les personnages s'aperçoivent que leur hôte est en fait un meurtrier ayant probablement tué sa fille. Là aussi, idée riche et pleine de possibilités. Le film aurait pu faire durer plus longuement cette situation de malaise et d'hésitation pour les protagonistes. Il aurait pu y avoir tout un moment où ils se seraient dit que même si Howard était un tueur, il ne se montrait plus menaçant envers eux depuis longtemps et que de toute façon ils n'avaient pas le choix, ils seraient obligés de rester en sécurité dans cet abris. Ce n'est qu'après qu'il aurait été judicieux de montrer Goodman en crise pour une broutille, faisant ainsi comprendre à nos persos son instabilité et leur insécurité dans cet environnement. C'est de cette manière que l'idée aurait été bien exploité. Mais ici, ils décident de le ligoter et de se confectionner des protections afin que l'entre eux puisse sortir pour chercher de l'aide.
W T F ?!
-Premièrement, leurs vies ne sont pas menacées il n'ont donc aucune raison de faire cela si ils continuent à faire comme si de rien n'était. Ça marcherait si les persos étaient cons et impulsifs mais vu la meuf ultra intelligente et débrouillarde qu'est Michelle, je n'accepte pas cet argument.
Deuxièmement, ils se confectionnent une combinaison anti-radiation et un masque à gaz avec une bouteille d'Evian et un rideau de douche......... Bon ok c'est pas avec mon 10 de moyenne en SVT l'année derrière que je vais me faire passer pour une référence en la matière. Voilà pourquoi j'ai demandé à plusieurs spécialistes http://image.noelshack.com/fichiers/2016/12/1459101814-cloverfield.jpg Le verdict est sans appel https://twitter.com/KikaLapin/status/714150788403240960 Ses autres confrères se sont murés dans le silence, abasourdis devant tant de stupidité pourtant traité au premier degré dans le long-métrage.
Et troisièmement, ils ne savent même pas le mal qui ronge la terre et donc si il y'a des survivants à proximité susceptibles de leur fournir un nouvel abris. Tout ce qu'ils risquent de faire c'est ramener encore plus d'âmes possiblement contaminés chez Howard. A ce moment là, si leur hôte les fait trop flipper, ils n'ont qu'à le zigouiller et point final. Alors oui ça posera toujours un problème, car si il n'est plus là et que leur système électrique a encore un pépin ou quoique se soit d'autre se rapportant à la maison, ils seront emmerdés. Mais ça me semble cependant être une situation bien moins périlleuse que de partir vers l'inconnu dans une combinaison artisanale.


Bien évidemment, le plan de nos héros va se heurter à un imprévu. Howard a trouvé une paire de ciseaux et demande donc qu'est ce que ses invités manigancent avec ça. Emett décide d'en porter seul la responsabilité, ce qui est tout à son honneur mais pourquoi inventer une histoire aussi flag ? Il aurait pu trouver n'importe quelle excuse à la con paraissant vaguement crédible, parce que tant qu'à faire autant tenter le tout pour le tout. Là non, il lui balance carrément : "j'essaye de créer une arme avec ça". Alors déjà bâtir une arme avec des ciseaux Mapet comme on en file aux collégiens c'est juste improbable (quoique si ils arrivent à faire des combinaisons à base rideaux de douche donc bon...), mais en plus rien que pour la justification pourav qu'il balance pour ce justifier, à savoir "je voulais que Michelle me respecte autant que vous", rien pour ça j'avais envie qu'il se fasse buter le plus vite possible.


Ceci fait, Howard profite d'être enfin seul à seul avec Michelle pour se rapprocher d'elle et faire en sorte qu'elle remplace la fille qu'il a perdu. Là encore, putain d'idée complètement gâchée par son lamentablement traitement. En effet, ce revirement arrive instantanément après la mort d'Emett qui gît encore dans son bain d'acide pendant que Goodman adopte brusquement une habitude hyper creepy envers Michelle. Ainsi, non seulement cet événement arrive trop brusquement là il aurait été plus judicieux de l'amener progressivement en faisant petit à petit évoluer les rapports entre les deux occupants de la maison, afin de faire glisser Howard dans la folie et donner ainsi plus de consistance et d'intensité à ce moment, mais en plus il nous est introduit de façon si grossière (Goodman arrivant rasé de près, visage inquiétant apportant une glace à sa fifille adoré) qu'il est impossible de prendre cette scène au sérieux. Rendant de ce fait un potentiel moment de grande tension en instant ultra risible voire nanardesque. Et ce n'est certainement pas l'affrontement final entre les deux protagonistes, dans lequel y sont insérés moult plans sur le visage de l'acteur (rongé par l'acide mais toujours debout, poursuivant sa proie comme dans les pires films d'horreurs) qui vont arranger les choses.


C'est à ce moment que le film débute sa dernière trouvaille qui, avouons le sera la plus réussit dans tout le long-métrage. Après un instant très stressant où Michelle tente de quitter la maison avant d'être asphyxiée et brûlée par les flammes, elle essaye de regagner sa voiture en observant que sa combi est trouée. Paniquée, elle se dépêche pour la réparer avec du scotch (passons cette aberration physique supplémentaire...), avant d'observer des oiseaux dans le ciel. Dès lors elle comprend que l'air y est respirable. Alors, elle retire son casque et pousse un long soupir de soulagement. A cet instant, le personnage comme le spectateur savoure sa pause bien méritée en ayant l'espoir que tout ceci n'était qu'un mensonge de plus d'Howard et que l'apocalypse n'a jamais eu lieu. On déchante ceci-dit très vite, car à peine notre souffle reprit que voilà débarqué un vaisseau Alien venant à la rencontre de notre héroïne. Michelle change donc ainsi d'ennemi pour en affronter un plus grand et plus dangereux.
En plus d'être amené avec finesse, ce climix final est également riche en intensité de par la mise en scène de Dan Trachtenberg, pour le coup très efficace et bien maîtrisé. Le seul problème résulte de ce que j'avais brièvement évoqué toute à l'heure, à savoir le fait que notre héroïne sache tout faire. Quelque soit la situation, elle va toujours agir vite, avec beaucoup d'ingéniosité pour parvenir à ses fins. Cette sur-débrouillardise est très fréquente chez les héros de blockbusters, ce n'est pas ça qui en fait forcément un mauvais personnage. Mais dans ce cas précis c'est parfois beaucoup trop excessif. Et personnellement, quand je l'ai vu faire exploser le vaisseau Alien en envoyant une bouteille enflammée dans son orifice DU PREMIER COUP, mais je me suis facepalmé de désespoir, alors que j'aurais dû être apporté par la note final de ce climix.
Mais bon, globalement je reconnais que ce dernier acte relève clairement le niveau comparé au reste du long-métrage. Alors pourquoi, oui pourquoi l'avoir terminé sur cette foutue scène où l'on voit Michelle prendre la direction de la grande ville, là où les aliens y sont toujours disséminés, répondant ainsi indirectement à l'appel d’enrôlement au combat qu'elle a entendu dans son auto-radio ? Ce dernier plan est d'une balourdise excessive et risible, tout cela pour appuyer au marteau-piqueur le propos simpliste du film nous incitant à ne pas rester passif face à une invasion en se terrant dans une cave comme des juifs mais à prendre les armes contre l'envahisseur, car qui que nous sommes, on peut tous apporter notre contribution dans l'effort de guerre et blablabbla


Clairement cette séquence est de trop dans l'histoire, mais elle est finalement cohérente par rapport au ton balourd et maladroit du film. Et voilà comment on transforme un projet alléchant en une grosse merde. Cela nous montre que le cinéma est un art complexe où le bon équilibre est primordiale pour qu'un film marche et que si une bonne idée se retrouve déséquilibré par un mauvais traitement, elle ne fonctionnera tout simplement pas à l'écran. Ce qui est d'autant plus dommageable avec 10 Cloverfield Lane, c'est que ce n'est même pas un blockbuster de commande. C'était un film de genre au budget modeste, porté par un JJ Abrams enthousiaste et réalisé par un jeune débutant passionné et dont la mise en scène efficace et inspirée la plupart du temps, malgré ses maladresses, donne un aperçu de son potentiel. Peut-être que mieux entouré et avec plus d'expérience, Dan Trachtenberg aurait accouché d'un excellent film.


PS: Mention spécial à l'excellent John Goodman car même si son jeu est souvent inadapté, l'acteur fait toujours ce qu'on lui demande avec beaucoup de talent et de justesse.

AlfredTordu
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le 27 mars 2016

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Alfred Tordu

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