Robin Campillo transpose à l'écran, en guise de troisième long-métrage, l’incessant combat d’Act-Up, association militante luttant pour une reconnaissance des droits des malades et porteurs du VIH. Le Sida effraie, s’agite comme un spectre au-dessus des foules, et toute prise de parole se voit étouffée par les pouvoirs publics, dépassés par l’ampleur de la maladie, marginalisant par son silence les minorités touchées. Leur combat est double : la survie contre elle-même et leur survie contre une société qui ne souhaitent ni les voir, ni les entendre. Il s’agit d’un sujet difficile à traiter, pourtant essentiel, car au-delà de sa cible privilégiée, il soulève des questions essentielles sur le militantisme en général.
Et c’est là la qualité principale du film, sa grande force. Celle d’une approche documentaire, illustrant sans concessions les prises de parole fortes, les contestations, les désaccords au sein d’un groupe, les débats parfois douloureux, où l’on s’investit à la fois en tant qu’individu propre et en tant que tout, un réinvestissement des termes injurieux faites à l’encontre de ces communautés, car le langage et son emploi est aussi un outil militant. Quelles sont les stratégies à adopter ? Opter pour la violence symbolique, la prise sauvage de lieux de pouvoir ? Adopter la négociation, ouvrir un dialogue ? Exposer ou ne pas exposer ? La sincérité des acteurs apporte une crédibilité supplémentaire aux coulisses qui nous sont présentées. La diversité des personnages, représentant ainsi toutes les minorités, renforcent la représentation, ajoutant un réalisme puissant à l’ensemble de l’œuvre. Le Sida ne trie pas ses victimes selon leur genre, leur couleur de peau, leur catégorie socio-économique. Il s’agit de diffuser un message à l’ensemble des spectateurs qui pourront, d’une certaine manière, se reconnaître en l’un des personnages évoluant à l’écran.
Un second point fort est la volonté d’atténuer le pathos. La maladie suscite la compassion, la pitié, amenant aux larmes. Il ne s’agit nullement ici de faire s'appitoyer l’audience mais au contraire, de saluer une résistance quotidienne des principaux acteurs, de faire reconnaître la violence d’un combat contre des institutions multiples. La violence se passe de larmes et de superficialité ajoutée par celles-ci. S’il y a effectivement des moments poignants, touchant à l’intimité du couple, avatar universel, on ne sombre pas dans le sentimentalisme, qui aurait fait perdre toute la pertinence du message véhiculé par le film.
Si Campillo joue avec les symboles, on notera néanmoins quelques longueurs symbolisées par des scènes plus abstraites, jouant sur le lyrisme, notamment avec l’image du virus en elle-même, l’arrosage des plantes, qui apportent plus de confusion sur l’instant.