Disons le d’emblée : oui, le 120 battements par minute, Grand Prix 2017 du festival de Cannes, unanimement salué par la critique, est bel et bien un très grand film, à la fois bouleversant et inspirant. Sur le sida, sujet aride et encore tabou socialement, Robin Campillo (Les Revenants, Eastern Boys) aurait pu verser mille fois dans le pathos ou le voyeurisme facile. Et pourtant rien de tout cela.
Alors certes 120 battements par minute n’hésite pas à montrer la laideur de la maladie : la peur, la solitude, le poids des traitements qu’il faut prendre à heures fixes. Toutes ces perfusions, ces seringues, ce fardeau médical que l’on traîne derrière soi. Et le caractère particulièrement pernicieux du VIH, qui tue à petit feu et à couvert, dont les ravages ne sont pas assez visibles pour susciter l’attention : « Mettre des personnes en fauteuil roulant dans les cortèges ! Pourquoi ? Je ne suis pas assez malade pour vous ?! »
Mais Campillo montre aussi une forme de beauté, celle de la maladie qui force malgré soi à vivre à cent à l’heure, à profiter, car tout, comme le rappelle un militant au cours d’un débat, sera peut-être une « dernière fois ». Le film est traversé par une folle énergie, une soif de faire la fête, d’aimer, de vivre. A côté de ces malades saisis par une frénésie de l’urgence, les autres paraissent étrangement lents, sans relief. Eux ont encore le temps.
120 battements par minute aurait pu se contenter de se reposer sur ce propos déjà très riche, au détriment de la forme. Mais la réalisation inventive est la deuxième bonne surprise du film, porté par ailleurs par une excellente bande son. Impossible d’oublier la Seine devenue fleuve de sang ou ces centaines de personnes étendues à terre au cours des fameux die-in organisés par Act up.
Quant aux acteurs ils sont tout simplement incroyables de naturel. Pendant deux heures et demi, on a l’impression de se trouver là, à leurs côtés, dans les longues séances d’AG ou les actions coups de poing. Mention spéciale à Nahuel Pérez Biscayart, tout simplement bluffant dans le rôle de Sen, trublion séropo, charismatique et immensément fragile.
Plus de critiques sur http://www.postplay.fr/