Un jour, dans le cadre de mes études de droit, des études ennuyeuses et qui feraient passer des des nazis pour des génies de l'âme humaine tellement cette matière est la plus médiocre de toutes les disciplines, des juges avaient été conviés lors de la reconstitution factice d'un procès. Lors de ce dernier, une femme était accusée de meurtre. Personne ne pouvait être sur à 100 % de sa culpabilité. Pourtant, les juges, sortant tout leur beau savoir, l'avaient déclaré coupable. Depuis, une question m'étreint. Si la justice condamne sans certitude absolue, combien d'innocents comptent les prisons françaises ? L'Avocat Dupont-Moretti a une phrase juste à ce propos : "Il vaut mieux 10 coupables en prison qu'un innocent en prison", maxime malheureusement uniquement incantatoire. Alors bon ? Quelle est l'erreur de la justice contemporaine poussée par une opinion publique avide de sang et ravagée par la stupidité de ses acteurs (et j'en parle en les fréquentant tous les jours) ? La réponse se trouve dans ce formidable film.
Le doute est central. Aujourd'hui, dans le pays qu'est le notre, à chaque affaire judiciaire, la foule réclame du sang, du sang et du sang. Elle conteste les décisions des juges, les trouvant trop laxistes, trop droit-de-l'hommistes et trop bêtes. On voudrait presque condamner un suspect car "ça se voit trop après tout qu'il est coupable". Chaque citoyen devrait être confronté à ce film. En effet, si notre justice était réellement démocratique et citoyenne, elle ne condamnerait pas une personne dont la culpabilité est contestée par un doute, si infime et ridicule soit-il. Le film est simple, clair et limpide : il cherche à démontrer et à prouver la place du doute dans ce qui doit être un procès. Evidemment, c'est un film à message avec le défaut de pouvoir être agaçant de bien-pensance, mais il touche juste. Les personnages ont chacun une personnalité qui évolue au fur et à mesure de cette pièce filmée à huis-clos, les dialogues sont subtils et efficaces, la réalisation est réaliste et audacieuse puis le dénouement est sinon attendu du moins coulant de source. Finalement, on se rend compte que le plus important n'est pas d'emprisonner les coupables, mais bien d'empêcher un innocent, ou un potentiel innocent, de purger une peine injuste. Parce qu'au final, on ne sait si l'accusé est coupable ou non, et on ne sait si tous les arguments avancés étaient bons ou démagogiques, qu'importe : la démocratie est à prendre entière et folle. C'est ici le meilleur du cinéma américain et il me tarde de le conseiller à mes amis et aux proches les plus réactionnaires.