1900
7.6
1900

Film de Bernardo Bertolucci (1976)

1900 n’est pas qu’un simple film merveilleux signé du grandiose Bernardo Bertolucci. Non, 1900 est aussi et surtout une grande contemplation de l’Italie du début du XXème siècle. Une époque où les pensées se confrontent et où passé et progrès s’affrontent ! 1900 parle d’une Italie sombre et authentique, qui voit son identité se jumeler à travers une Europe entière à l’aube du totalitarisme de masse et des grandes guerres. Bertolucci embrasse cette époque à travers une fresque monumentale et passionnante de 5 heures retraçant l’amitié de deux hommes, qui vont s’avérer devenir comme de véritable acteurs de cette époque charnière.


Olmo Dalco (Gérard Depardieu) est fils de paysan. Toute sa grande famille travaille sur le domaine des riches propriétaires Berlinghieri. Olmo est un garçon dur et débrouillard, mais cela ne l'empêche de se lier d'amitié avec le fils de ses exploitants : Alfredo Berlinghieri (Robert De Niro). Les deux garçons vont vivre une grande histoire d'amitiés à partir de leurs jeunesses jusqu'aux ages les plus avancés, et tout cela malgré leurs statuts sociales différents, les guerres à répétition et une Italie voyant son identité majoritaire sombrer dans le fascisme. Leurs fougue et leurs amour fraternel vont les conduire à s'aimer coûte que coûte malgré les pensées qui divergent.


Les classes sociales commencent à prendre conscience de leurs statut. Les paysans ne sont plus de simples exploités minoritaires mais deviennent une véritable masse dont la force insoupçonnée jusqu'alors peut s’avérer bénéfique pour sortir d'une certaines misère pesante. Mais c'est une confrontation douloureuse à laquelle doivent faire face les agriculteurs qui ont toujours comptés sur l'agilité de leurs mains et la force de leurs bras : le progrès s'invite dans les campagnes italienne ! Les propriétaires veulent remplacer les hommes par les machines. Ceux-ci qui ont alors toujours vécu de la terre sont tout proche de se retrouver à la marge. Les révoltes s'intensifient et les répressions augmentent. L'émergence du communisme connait la douleur face à celle grandissante du fascisme incarné par un véritable proche sanguinaire du père Berlinghieri : Attila Mellanchini (Donald Sutherland).


Olmo et Alfredo assistent à cette véritable transformation d'une Italie quittant le passé pour s'ouvrir à l'époque industrielle du XXème siècle. Mais les deux compères ne sont pas indemnes face à cette magistrale évolution historique. Olmo découvre le communisme et devient un porte-parole du droit des paysans. Alfredo quant à lui, est asphyxié par les sombres pensées émergentes au cœur du patronat. Voulant quitter le plus rapidement possible cette réalité grandissante, Alfredo privilégie la fuite des idées néfaste de son père et de son entourage au profit d'une vie aux côtés d'artistes, de leurs libertés et leurs pensées socialistes. Ce qui est sûr, c'est qu'aucun de ne peut vraiment quitter sa classe sociale d'origine. Il est indéniable que si Alfredo fuit le fascisme ambiant, il ne n'en reste pas moins un futur propriétaire ! C'est dans ces contradictions politiques magistralement reconstituées que Olmo et Alfredo découvrent leurs futurs indéniablement imprégnés de leurs origines. Je retiendrai une scène représentant de manière très intéressante cette idée fondatrice de ce chef d'oeuvre de Bernardo Bertolucci : une scène du 2ème acte représentant Olmo se battant avec Attila, le tout avec Alfredo au milieu de ce combat acharné des idées. Une contradiction entre milieu social et idées profondes d'Alfredo qui pourraient lui coûter cher tant la situation est amenée à dégénérer les années à venir !


Il n'est pas nouveau de dire que Bertolucci n'est pas un saint dans la question cinématographique (référence à la scène sulfureuse et problématique du Dernier Tango à Paris sorti en 1972). Dans son fort naturalisme, 1900 devient inévitablement une oeuvre violente tant son propos passionnant soit-il, est imprégné d'une identité sombre. Mais ici, les nombreuses scènes de sexes, de viols et de tueries marquent les caractéristiques sur les rapports entre les personnages. Rien n'est amenés par hasard et au cœur de cette grande reconstitution, Bernardo Bertolucci amène son sens de la poésie, de la provocation et de l'amour du cinéma lui-même. Sa mise en scène tant sa face magistrale est saisissante, embrasse de la manière la plus belle possible une époque fondatrice et profondément perdu de l'Italie ! Même si dans la grande majeure partie du film, le point de vue prend le côté des paysans et du communisme, Bertolucci n'oublie pas les dérives de cette pensée et ramène bien-sûr aux limites incassables qui feront sombrer une grande partie de l'Europe de l'est sous l'asphyxiante tutelle de l'URSS.


Les mots ne sont pas assez grands pour parler de 1900 ! Il y'a même encore des tas de choses dont je pourraient toujours parler à propos du film tant il est réussi : la photographie signé Vittorio Storaro qui est imprégnée du tableau Le Quart état de Giuseppe Pellizza; la musique toujours excellente du maestro Ennio Morricone; ... Ce qui est sûr, c'est que Bernardo Bertolucci signe une immense et passionnante fresque de 5 heures pour parler de l'Italie et de ses contradictions, aux débuts d'un XXème siècle mouvementé ! Pour donner encore plus d'ampleur et de personnification à ces idées, Bertolucci fait appel à une grande histoire d'amitié qui va traverser cette longue et douloureuse période. Une forte amitié entre Olmo et Alfredo, séparés par leurs statut et quelques fois par leurs idées, mais réuni dans la fougue et l'amour fraternel ! Chef-d'oeuvre incontestable !

RemiSavaton
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le 18 mars 2020

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Rémi Savaton

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