Le style habituel de Arthur C. Clarke est lourd et besogneux. Le scénario de 2001 sur une idée de Clarke, s'envole au lieu de s'embourber dans des détails techniques, grâce à Kubrick.


A la réalisation, c'est encore mieux. Les paroles sont limitées au minimum. Ce sont les images qui parlent avec l'aide de la musique. Le choix de valses viennoises est particulièrement adapté au somptueux ballet des images spatiales. "Le beau Danube bleu" est désormais attaché aux images de ce film.


La lecture de plusieurs critiques m'incite à donner mon interprétation de ce film en dévoilant l'histoire, ce qui n'enlèvera rien à son intérêt.



A l'aube de l'humanité:



Deux groupes d'hominidés se disputent un point d'eau. Un matin le groupe vaincu découvre un monolithe noir surgi pendant la nuit. Après contact avec cet objet, ils inventent une arme: cela fait d'eux les premiers hommes. A cette occasion, Kubrick reprend les procédés du cinéma muet pour suggérer la réflexion et l'invention par un des pré-humains.



Des vaisseaux dans l'espace:



1999, une station spatiale orbite autour de la terre. Des navettes transportent des passagers entre la Terre et cette station. De là des vaisseaux spatiaux partent notamment pour la Lune. Ce passage est typique de Clarke (il est l'inventeur de la notion de station orbitale). Avant l'heure, il s'attache à nous montrer tout le détail des difficultés qu'il faudra surmonter pour la conquête spaciale: la nécessité d'une station orbitale pour passer d'un engin capable de s'extraire de l'attraction terrestre à un vaisseau fait pour les longs voyages en apesanteur.
Tous ces détails techniques sont filmés par Kubrick, qui toujours sans un mot ou presque, nous montre tous ces détails techniques sous l'angle du quotidien laborieux et professionnel des usagers et personnels navigant de la ligne.
On n'utilise vraiment les paroles que pour préparer le suspens qui précède le coup de théâtre: la découverte d'un objet manufacturé vieux de 4 millions d'années. Un monolithe noir qui indique le système jovien.



Mission Jupiter:



A bord d'un immense vaisseau, cinq astronautes dont trois en animation suspendue filent vers Jupiter sous le contrôle d'un super ordinateur HAL ou CARL doublé de façon magistrale par François Chaumette dans la version française . Ce deus ex machina "bienveillant" atteint des niveaux d'intelligence tels qu'il finit par développer des sentiments. Mais qui dit intelligence et sentiments, dit maladies mentales.
C'est la partie "thriller" qu'on retenu la plupart des spectateurs.



Jupiter et au-delà de l'infini:



L'astronaute survivant découvre en orbite autour d'une des lunes joviennes un gigantesque monolithe noir. S'en approchant, il se trouve aspiré et projeté à des vitesses ultraluminiques. A partir de là, Kubrick n'a pas souhaité donner d'explications sur ce qu'il souhaitait raconter. Si je dévoile toutes les intrigues du film, c'est pour donner ici mon interprétation. Mais vous pouvez avoir d'autres idées.


Nous assistons à un jeu d'effets cinétiques, qui sont sensés représenter des vitesses phénoménales. Selon moi, la conscience de Bowman explore l'univers. On assiste même au big bang. C'est la conscience universelle si chère aux mystiques.
On voit aussi des jeux de magmas qui peuvent représenter les balbutiements de la vie.
On aperçoit également des formes géométriques en double tétraèdre (non Pol, pas des archicubes) qui pourraient être des représentations de merkabah, véhicules spirituels dans la mythologie biblique, mais qui ici pourraient représenter des êtres supérieurs qui guident l'humanité vers l'accomplissement de son potentiel (thème récurrent dans l'œuvre de Clarke).
Bowman se retrouve ensuite chez lui. Il se voit à différentes étapes de sa vie. Il est devenu intemporel. Il assiste à sa propre mort en tant qu'être humain et renait immédiatement sous forme d'un bébé qui vient dans l'espace veiller sur la Terre.


Lors du premier passage du monolithe, le singe est devenu un homme. Lors du second, l'homme est devenu omniscient, omnipotent et intemporel/éternel. A vous de conclure.



Y a-t-il quelque chose à comprendre?



Sur un fil transhumaniste simple, Kubrick ouvre des portes qu'il ne ferme pas.
Qui guide l'humanité? Qui se cache derrière les merkabah? Des anges? Une race plus évoluée?
Faut-il se contenter de penser que des extra-terrestres sont venus guider l'humanité?
Ou faut-il voir là une parabole mystique dans la veine du transhumanisme affiché? Le monolithe noir serait-il une représentation de Lucifer guidant les hommes sur la voie de la connaissance?
Moins mystique, les fils de l'homme seraient-ils revenus nous guider vers l'éveil et leur propre accomplissement dans un de ces paradoxes temporels si chers à la science fiction?
Ou bien encore, à l'instar d'Asimov, les héritiers de Hal veilleraient-ils sur l'homme après avoir créé l'univers?
Kubrick ne répond pas. Il nous pousse à réfléchir sur ce que nous sommes.


Ce film a été réalisé sans images de synthèses. On est aujourd'hui sidéré par la beauté des images et par sa modernité. A part quelques bricoles (coupes de cheveux, costumes, appareil photo argentique sur la Lune, cartes perforées pour ordinateurs et effets cinétiques) il n'a pas vieilli.


Mais surtout, il repose entièrement sur les images et la musique: c'est la quintessence du cinéma.

-Marc-
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le 15 déc. 2014

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-Marc-

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