Un coup de cœur avec ce métrage du réalisateur Jia Zhang-Ke, sur le constat du développement urbain et économique d'une petite ville Chengdu et de son usine, la 420, usine militaire d’État vouée à disparaître, laissant sa population d'ouvriers dans le désarroi et leur devenir.
Le cinéaste évoque le passé et le passage à la modernité, que viendront ponctués régulièrement les drames des personnages.
Cette usine, métaphore d'une Chine en mutation, aura fait vivre un grand nombre d'ouvriers, les nourrissant, les formant, leur procurant un semblant de sécurité financière, pour faire de cette multitude une grande famille, où chacun se détermine par l'unité de travail à laquelle il appartient. Le sentiment de perte est d'autant plus fort que l'usine laissera la place à un complexe immobilier de luxe 24 city,
Pourtant cette usine d'armement qui aura eu son heure de gloire dans les années 50 avec sa contribution à la guerre de Corée, et ensuite à celle du Viêt-Nam est régit par des codes et des lois ne laissant pas de doute sur une dictature du travail et du secret. Le cinéaste ne s'aventure pas dans le politique pour autant, mais de faits réels sur la transformation de cette usine il met en image un thème récurrent chez lui, les conséquences sur l'humain de la transformation sociétale, ici, de la période communiste au nouveau capitalisme.
Jia Zhang-Ke adapte le fond et la forme avec talent, jouant de la fiction sur un mode documentaire, mélangeant l'histoire dans l'histoire.
La trame suit huit personnages réels et fictifs. L'aspect réellement documentaire avec des hommes qui ont vécu l'usine et qui nous parlent de leur expérience et de leur milieu de travail pour le marquage concret et trois actrices pour trois générations de femmes, de la fin des années 1950 à aujourd'hui, filmées sur la même trame mais fictives, pour celui plus affectif exprimant des sentiments plus personnels.
Dali (Lü Liping) qui représentera plutôt les débuts, avec la soumission de la femme portée sur les traditions, Xiao Petite Fleur (Joan Chen) pour l'émergence de l'émancipation et Nana (Zhao Tao) pour le refus tout net de l'aliénation par le travail, doublée de son alter ego masculin (l'acteur Chen Jianbin) qui lui quitte l'usine dès qu'il se rend compte des tâches répétitives auxquelles on va le vouer. Ces deux personnages viennent rompre l'idée du départ où l'usine est synonyme d'épanouissement, considérée aujourd'hui comme déshumanisante.
Tous ces personnages se mélangent et nous racontent des faits, les exprimant avec leur propres ressentis et souvenirs jouant sur la réalité subjective. Les dialogues des intervenants tant réels que fictifs sont fins, perspicaces, intelligents et d'une grande portée. Jia Zhang-Ke reste longuement à scruter les visages de ces femmes et de ces hommes interviewés, comme des portraits photographiques pour des arrêts sur images marquants. Sachant garder la bonne distance, il nous perd entre fiction et réalité et s'amuse d'un jeu de miroir avec ce clin d'œil au film Petite Fleur (1979), qui s'invite dans l'histoire de Xiao.
Jia Zhang-Ke privilégie le texte à l'image tout en mettant en valeur avec une esthétique froide les plans de destruction ou de lieux vidés de ses occupants. Chansons et poèmes, subtils et évocateurs viennent compléter la narration pour un melting-pot entre émotion, poésie et ironie.


A découvrir.

limma
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le 24 nov. 2018

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