Four Faces West fait partie de ces westerns qui n'en sont pas vraiment, profitant du cadre et des thématiques du genre pour mieux les détourner et amener le film dans des chemins insoupçonnés. Un peu comme Wellman et son "The Ox-Bow Incident" qui partait d'une situation de western classique pour nous amener dans une fable psychologique questionnant la responsabilité, les certitudes, et les différentes façons de s'acheter une bonne conscience.


Alfred E. Green propose ici un western tout en nuances, avec pour introduction une fête en l'honneur du célèbre Pat Garrett durant laquelle une banale demande de prêt se transforme en hold-up opéré par un gentleman. Un bien étrange incident : tous les voleurs ne font pas preuve d'un tel respect et d'un tel sens moral en signant une reconnaissance de dette au banquier qu'ils viennent de dépouiller... S'ensuivra une longue chasse à l'homme presque dénuée de violence, après qu'une "posse" ait été formée à la hâte (par définition) par l'homme qui tua Billy The Kid.


Joel McCrea, le gentilhomme braqueur du nom de Ross McEwen, interprète un personnage assez attachant, et c'est peut-être là le seul reproche que l'on pourrait formuler à l'encontre de son rôle et du film : on sent que le réalisateur veut nous le rendre attendrissant coûte que coûte. Passée la séquence du braquage introductif, aussi brusque qu'intrigante, il incarnera un personnage irréprochable. Il remercie autant les personnes qui l'ont aidé que les animaux qu'il a montés (des chevaux, bien sûr, mais aussi une vache au terme d'une chevauchée bovine fantastique à travers les dunes d'un désert du Nouveau-Mexique), il s'acquitte de toutes ses dettes, il prend le temps d'aider une famille mexicaine souffrant de la diphtérie alors qu'il est en pleine cavale, etc. : un bon samaritain qu'il serait utile de compter dans son entourage. Mais cette bonté omniprésente confère au film un charme aussi agréable que singulier, notamment à travers la relation amicale qui unira le héros au mexicain Monte Marquez.


Après tout, on a affaire à un western où aucun coup de feu n'est tiré, où aucune bagarre n'éclate, sans aucun personnage fourbe ou mal-intentionné : voilà une particularité qui donne au film toute sa légitimité. Un (anti- ?)western sensible et atypique où la poudre parle différemment puisqu'elle sauve des vies (bon à savoir en cas d'épidémie de diphtérie !), et où la bonté du protagoniste n'est ni extraordinaire, ni moralisatrice, mais plutôt simple, humble, et digne.


[Avis brut #47]

Morrinson
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le 6 févr. 2016

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Morrinson

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