Après un très bon « Bons Baisers de Bruges » et un « 7 Psychopathes » satisfaisant, l’Irlandais Martin McDonagh signe un retour aux arrières goûts Coeniens. Sans lui faire défaut, ce style épuré lui permet de tirer une subtilité derrière ce titre pourtant anecdotique. La haine est un trait de caractère qui est propre à l’homme, mais ce dernier ne peut s’en défaire aisément. Et pourtant, elle est toujours présente, prête à ronger notre vie lorsqu’on ne l’attend pas. Le réalisateur part de ce postulat pour présenter une parcelle d’une Amérique délaissée. Ainsi, il se laisse séduire par une écriture très nuancée de ses personnages et de l’univers impartiale qu’ils occupent. Nous avons alors des acteurs tout à fait humains et réalistes, où le quotidien les prépare à un défi ambigu.


Le récit prend une tournure dramatique dans la forme, d’où une ouverture très axée sur les trois panneaux qui ornent l’entrée de la commune d’Ebbing. Des mots crus et concis, mobilise ainsi les esprits afin de restaurer le souvenir douloureux d’une mère un poil iconoclaste sur les bords. Il fallait donc une excellente Frances McDormand pour remplir un cahier des charges de performances. L’actrice intensifie donc son image sous les traits de Mildred Hayes, celle qui répand une motivation à la fois justifiée, mais pas toujours juste. Ce qu’on voit en elle, c’est un sentiment de froid et pourtant, le spectateur ne possède qu’elle comme référence. Elle est la première à fixer les règles et on se cantonne à suivre aveuglément sa démarche. Sur ce point, on se laisse surprendre des tournures que peuvent prendre les événements. Elle porte en elle une tristesse qui, malgré les aspects, nous rapproche de l’écran.


On en profite alors pour introduire le chef de la police, Bill Willoughby (Woody Harrelson). Respecté de tout part, il est pourtant dans le collimateur de Mildred pour que l’enquête avance. Mais on ne s’en tient pas à cela. On préfère aborder le concept et la notion de justice à travers diverses interactions. Ces deux personnages partagent le même objectif, mais le point de vue sur la question ne repose que sur la base d’un destin inévitable. Le sujet prend alors son envol lorsque l’agent Dixon (Sam Rockwell) est soumis à une balance de rebondissements très efficaces. Détestables au plus haut point, on en tire du positif de lui, en accord avec la complicité qu’il a avec son entourage. S’il fallait désigner des victimes dans cette affaire, la jeune fille de Mildred ne serait pas la seule à revendiquer ce statut. De ce fait, on flirte avec une constante ambiguïté derrière les masques que chacun possède. Et certains ne manqueraient pas d’en fissurer plusieurs sans pouvoir se trouver ou s’identifier, et c’est là qu’est toute la source de réflexion qui monopolise notre attention.


Par ailleurs, on n’hésite pas non plus à user de l’humour noir, constituant un des pivots de l’intrigue, car bien que le scénario puisse offrir un visionnage de qualité, on prend un malin plaisir à bouleverser nos jugements grâce à ces temps forts. « 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance » repose sur la fragilité de ses personnages. Qu’importe qui domine l’écran, même si cela est éphémère, chacun contribue à promouvoir une forme de rage qui se répand avec frénésie. Les fautes se cumulent, mais jauger sa gravité ou sa nécessité est le réel défi du spectateur. Nous avons de quoi être divisé au sujet de la philosophie abordée, car le dénouement peu laisser un goût amer sur les revers d’une vengeance qui n’en n’est pas une en réalité.


L’inabouti est comme l’inconnu, cela effraie mais ne permet pas de trancher en faveur d’une personne ou non, du moment qu’on en assume les actes derrière. La mentalité seule suffira à convaincre qu’un effort vaut mieux que le résultat et le film espère en toucher plus d’un sur cette solide base, pleine de promesses et de richesse. Mais on a tout à y gagner malgré les défauts de mesure. C’est pourquoi le récit est déchirant et provoque à son tour une peine vorace, qui atteint là où le dilemme oppose le pardon et la rédemption. Et dans les deux cas, aucun choix ne valide une condition de vie correcte, voilà ce que le film souhaite soulever par bien des aspects moraux.

Cinememories
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le 22 janv. 2018

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