Le Stern et la sterne
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Je me souviens très bien de la dernière année de Romy Schneider. 81-82. J'avais adoré sa "Passante du sans-souci". Ma grand-mère et ma mère avaient fébrilement suivi son chemin de croix médiatique et son naufrage après la mort accidentelle de son fils. Je me souviens aussi des photos en noir et blanc magnifiques de Robert Lebeck et de l'article du Stern. Ce sont ces trois jours de retraite "thérapeutique" d'une Romy éprouvée à Quiberon que déroulent le film d'Emily Atef. Le noir et blanc à la colorimétrie délicate et crépusculaire, les plans du Sofitel barré par la mer, les scènes d'intimité douloureuse dans la chambre anonyme isolent déjà l'actrice du monde. Le film montre la femme malheureuse derrière l'actrice au charme désarmant, la star au moment où elle ne maîtrise plus son image, une âme perdue à marée basse. La photographie parfaite, le cadrage, les plans exaltent la complexité de la Romy trop fantasmée, mal aimée par ses compatriotes en deuil de Sissi, se livrant sans retenue aux journalistes charognards, manipulée, crédule, payant le prix de sa célébrité. Les photos de Lebeck s'animent et l'incroyable incarnation de Marie Baümer, qui dépasse de loin le simple mimétisme, redonnent vie à la grâce fragile de Romy. J'ai donc été très émue, comme de retrouver une personne chère de mon enfance. La relative faiblesse du film en revanche tient dans l'incapacité de la réalisatrice à sortir du fantasme, des clichés, de l'image médiatique consacrée, alors qu'elle prétendait, me semble-t-il, nous offrir une Romy inédite, celle des derniers mois. On y voit une Romy qui se donne plus ou moins consciemment en pâture à Michael Jürgs, entretenant malgré elle des rapports toxiques avec la presse, vacillant, trop humaine. Toutefois, de très belles scènes, celle où l'amie Hilde et le journaliste de Stern dînent et se tendent sur le rapport des personnages publics aux autres, la scène du bain à l'arrivée de Hilde (incroyable Birgit Minichmayr), la scène où Romy et Lebo sont au lit, et surtout la scène au restaurant avec Denis Lavant. La question sur la manière de se mettre en scène est bien posée et Romy danse sur cette corde raide en constant déséquilibre, avec un bluff touchant. La fin sereine et apaisée aussi, quand Lebo redonne un peu d'espoir à Romy, que le chagrin finira par emporter : "Ich werde weiterleben -und richtig gut !". Un beau film, qui n'échappe pas tout à fait aux pièges du biopic, mais âpre, rude et lumineux. La fille de Romy n'a pas aimé. Evidemment, Romy force sur la bouteille et dame le pion à Duras côté clopes. Quant à moi, je retiens pour toujours le sourire à la Joconde de la Romy de Sautet, qui n'est jamais ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, nous aime et nous comprend. Une mélancolique née, qui semble avoir attiré tous les malheurs intimes, inapte au bonheur pour ainsi dire.
Créée
le 9 avr. 2020
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